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Le syndrome de Frankenstein

par Kamal Guerroua

Sans doute, si on passe au crible toutes les politiques de l'Algérie, depuis les années 1960 jusqu'à nos jours, on se rendra vite à l'évidence que l'on a créé, par nous-mêmes, les causes de notre malheur. Qu'on veuille ou pas l'admettre, nos ratages actuels, dans de nombreux domaines (société, économie, politique, culture, etc.,) ne sont qu'une putride émanation des mauvais choix de nos gouvernants, dans le passé. Ces derniers en ont concocté par leurs propres mains, souvent peut-être par inconscience, et parfois à dessein, les ingrédients ! Pour ceux qui s'intéressent à la littérature, le personnage fantastique de ?Frankenstein' s'applique, parfaitement, à cette triste réalité. Inspiré par l'œuvre romanesque de l'écrivain britannique Mary Shelly (1797-1881), ce dernier est l'évocation même de ces situations tragi-comiques où l'on tente désespérément, mais en vain, d'affronter, par tous les moyens possibles, le mal qu'on a pourtant généré par notre propre initiative! Une fois mis au monde, dans un laboratoire, par un savant suisse, en l'occurrence Victor Frankenstein, cet être vivant assemblé avec des parties de chaires mortes (son nom vient d'ailleurs de celui de son créateur) aurait, largement, dépassé et le génie et la force de ce dernier, en se métamorphosant en un monstre anti-humain, vengeur et hors de tout contrôle. Bref, pour schématiser un peu les choses, nous en sommes-là, en Algérie. Que nos officiels en soient arrivés au point de quêter des sous dans les poches des citoyens et du petit peuple pour combler un déficit public creusé par leur impéritie managériale, cela est illogique, voire inacceptable. D'autant qu'ils ont (les officiels) élaboré des plans presque «amateurs» pour des projets nationaux, auxquels il aurait fallu justement de sérieuses stratégies. N'était-ce l'optimisme et la patience populaire de voir émerger, un jour, quelque chose de positif, le pays se serait déjà allé à la déroute, décidément! Le but ici n'étant pas sûrement de se livrer à un auto-dénigrement, pour le moins démoralisant, mais de confirmer que nos têtes n'ont jamais été à la hauteur des engagements de leur temps. Focalisons-nous par exemple sur l'arabisation. Décidée dans l'urgence et la précipitation, cette politique nous a fait courir beaucoup de risques, dans une atmosphère ouvertement francophone, puis nous a causé un retard incommensurable dans le secteur éducatif, en produisant une génération d'analphabètes trilingues. Ce qui est plus grisant, dans cette histoire, c'est lorsque des hauts ex-responsables à l'origine d'approches contre-productives et mal-pensées de ce genre se targuent, encore aujourd'hui, toute honte bue, d'en être les initiateurs. Or, il leur appartient de regarder, sérieusement, les dommages collatéraux sur lesquels ont débouché ces folles aventures.