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Ça se passe à Oued Taga !

par Moncef Wafi

A Oued Taga, à une quarantaine de kilomètres à l'est de Batna, une bataille se joue entre la population locale et les promoteurs d'une cimenterie forts de toutes les signatures officielles. Les habitants, appuyés par une centaine d'associations, protestent contre l'implantation d'une cimenterie aux abords du chef-lieu de commune et à la lisière d'une forêt, dans une région à forte potentialité agricole.

 Ce vendredi, une marche citoyenne a regroupé près de 15.000 personnes venues manifester leur désaccord en l'absence évidemment d'élus locaux, le maire en tête, à l'exception d'une députée. La manifestation aurait pu connaître le même scénario qu'à Zighout Youcef (Constantine) où la population, refusant l'implantation d'un centre d'enfouissement technique dans leur localité, s'est heurtée violemment aux forces antiémeutes. A Oued Taga, le pire a été évité après l'intrusion d'étrangers à la région.

 Ce nouvel épisode dans les tensions locales, enfantées par des décisions unilatérales des responsables locaux, confirme si besoin est cette tendance de l'omnipotence de l'administration au détriment de la collectivité locale. La démission des élus censés représenter leurs électeurs, l'insignifiance de leur influence dans la prise de décision devant les représentants du pouvoir central et la toute-puissance des cachets d'Alger répondant à des intérêts plus personnels que d'utilité publique ont faussé tous les calculs. La gouvernance, bonne ou mauvaise, doit être sujette à un chantier en profondeur à même de redonner aux élus locaux un poids décisionnel du moins égal à celui du représentant de l'Etat. La refonte des codes, communal en premier, doit s'inscrire dans ce respect des citoyens en premier et dernier lieu.

 Les exemples de Zighout Youcef et de Oued Taga sont plus qu'illustratifs d'une situation ubuesque où un projet qui peut être décentralisé pour peu que les bonnes volontés suivent dégénère en un bras de fer défavorable aux locaux. Des terres agricoles sont ainsi données en pâture à des promoteurs de projets polluants alors que la logique voudrait qu'elles soient épargnées, protégées pour un meilleur rendement. Alors que le gouvernement ne cesse de nous rebattre les oreilles avec une optimisation des ressources hors hydrocarbures en s'orientant vers la relance des secteurs du tourisme et surtout de l'agriculture, ailleurs, quelque part de derrière les bureaux cossus des ministères, on n'hésite pas à sacrifier de bonnes terres pour une cimenterie dont l'Algérie n'aura certainement plus besoin dans l'immédiat.

 L'économiste Farès Mesdour de l'université de Blida a livré des chiffres accablants sur l'agriculture en Algérie. Alors que le secteur doit être la locomotive de l'économie nationale, on importe toujours pour manger. Selon lui, il existe 32 millions d'hectares d'excellentes terres en Algérie mais qui ne donnent rien en comparaison avec les 3 millions en Californie qui donnent annuellement 600 milliards de dollars et le 1,6 million d'hectares en Espagne qui fournit au pays 400 milliards de dollars. Rien que cela. A méditer messieurs les responsables !