Les adages
c'est très précieux et sage. Aussi, en fouillant dans le patrimoine immatériel
de notre vieux terroir j'ai retrouvé un bon dicton qui dit ; «May hess bel djamra ghi likwatou.» (Ne ressentira la
douleur de la braise que celui qui en a été brûlé). Un proverbe associé à la
douleur, qui décrit parfaitement la souffrance émotionnelle. «El djamra» ou la braise dans cette expression populaire évoque
la blessure profonde de l'individu. Etre sur la braise, c'est vivre dans
l'anxiété. Les braises naissent d'un brasier qui s'est consumé à petit feu.
L'inquiétude est un sentiment pénible qui déchire le cœur. Entre le bonheur et
le malheur, il y a ces braises qui nous guettent, au milieu du chemin, pour
nous faire subir le proverbe de la douleur. La préoccupation nous fait
supporter silencieusement, l'épreuve de la braise ardente. L'absence ou la
perte de l'être cher fait endurer le supplice de la braise. L'impatience
tourmente l'esprit et le cœur. Et la crainte fait allumer la braise de la peur.
Goûter à la douleur de la braise est une grande épreuve de la peine. «Rani gaada aala djmar»
(je suis assise sur des braises), pleure la mère pleine d'inquiétude pour son
fils qui a pris la mer en pleine nuit avec un groupe de harraga.
Le cœur sanglote et tout le corps s'enflamme quant
l'affectionné périt. L'âme est sensible est très tendue dans ses moments de
tristesse et la braise agit et dégage un feu brûlant qui grille la chair.
Imaginer la crainte du pire, nous fait traverser le parcours dangereux des
braises toujours ardentes. L'affection pour les enfants hospitalisés, laisse
derrière eux à la maison des parents en proie à la brûlure de la braise. La
peur de perdre un enfant ou un parent hospitalisé provoque cette réaction du
corps instinctivement. L'amour maternel et paternel est sujet, aussi, au contre
coup de cet affectueux proverbe. Pour ressentir les effets de cette expression,
il faut se mettre à la place des personnes touchées par ces émotions. Les gens
peinés par l'adversité qui accable une personne, prononcent par solidarité «may hess bel djamra
ghi linkwa biha !» par compassion. Quand le grand malheur survient et
frappe, douloureusement, un foyer, il fait un ravage au sein de la famille qui
vit l'enfer pendant ces années de braises avec la blessure ouverte et le feu ne
s'éteindra qu'avec le temps et l'oubli. Parfois, les braises ardentes gâchent
le bonheur et le plaisir de la vie. Le désespoir, la misère, la ruine, sont des
ingrédients qui ajoutent de l'huile sur le feu et attisent les braises du
chagrin. Le feu a toujours inspiré des idées éprouvantes et incendiaires dans
la vie de l'être humain. Dans le présent c'est toute une frange de la société
qui est assise sur des braises et demeure dans l'expectative. Le système
politique est un recueil de la médiocrité. Les scandales sont à la une et ne
choquent plus personne. L'absurdité et le ridicule font le plein des
événements. La débauche, la confusion, la corruption et le pourrissement sont
le credo. Le pays est fermé et le rêve s'est transformé en cauchemar. Le
parfait s'est envolé et l'imparfait fait rage. L'injustice et les abus sont le
foyer du brasier. Les bâillonnés, les persécutés sont aussi des victimes de la
douleur de la braise qui fend le cœur. Et les méprisés n'en croient pas leurs
yeux. Les espérances se sont envolées et les braises se sont refroidies avec le
cœur et le temps ?