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L'opposition contrainte de recentrer ses tirs

par Kharroubi Habib

Des chantiers ouverts par les autorités dans le sillage de l'adoption de la nouvelle Constitution pour doter le pays, là où il y a nécessité, de textes de loi traduisant les innovations qu'elle recèle, celui ayant trait aux règles qui vont régir le jeu électoral a finalisé deux avant-projets de textes de loi qui ont été soumis avant-hier à l'examen et à l'approbation du Conseil des ministres. Le premier est relatif à la mise en place de la haute instance indépendante de surveillance des élections prévue par l'article 194 de la Constitution, le second, quant à lui, est relatif au régime électoral et censé «améliorer» celui adopté en 2012.

La célérité des autorités à conformer les dispositions régissant le jeu électoral s'est imposée du fait que pointe l'échéance des législatives dont le scrutin est appelé à être organisé selon les nouvelles prescriptions constitutionnelles. L'on ne peut toutefois soupçonner le pouvoir d'avoir accéléré la production de ces deux avant-projets de loi afin que leurs contenus étant connus cela recentrera sur eux le débat politique actuellement focalisé sur des questions (corruption et vacance supposée au sommet de l'Etat) dont l'évocation l'éclabousse et l'indispose. Sa ruse consiste par conséquent en l'ouverture d'un nouveau front de contestation pour l'opposition qui lui ferait reléguer au second plan ses diatribes sur la corruption ambiante au sein du sérail et la paralysie à laquelle l'Etat est réduit du fait qu'il y a vacance de pouvoir et son sommet. Et la contestation de cette opposition va être assurément un tollé sur ce que disposent ces deux avant-projets de loi ayant reçu l'approbation du Conseil des ministres et tout particulièrement celui concernant la haute instance indépendante de surveillance des élections. Il est clair qu'elle ne vas pas applaudir à la mise en place de ce mécanisme qui pour l'essentiel reconduit celui qui était mis en place à l'occasion des élections anti-révision de la Constitution. Le propos sur le sujet tenu mardi par Ali Benflis, l'une des locomotives de cette opposition, dans l'entretien qu'il a accordé au quotidien «Liberté» préfigure ce que va être l'angle d'attaque de celle-ci contre la haute instance électorale telle que la fait apparaître l'avant-projet de loi en question. Le président du parti des «Avant-gardes des libertés» a averti que le mécanisme qui va être mis en place sera une instance qui n'est ni haute ni indépendante, ni «haute parce qu'il y a plus haut qu'elle, un conseil constitutionnel sans libre-arbitre et sans marge de manœuvre ni indépendante tant est forte l'emprise de l'institution présidentielle sur la nomination de ses membres et en particulier de son président».

Il est clair que l'opposition va se déchaîner contre cette instance électorale dont Bouteflika a faussement prétendu qu'elle exauce sa revendication alors qu'à quelques aménagements sans portée pratique, elle se présente comme la reconduction de celles inopérantes qui l'ont précédée. Toutefois, pour l'opposition qui n'est pas encore parvenue à créer avec le pouvoir un rapport de force lui permettant de fléchir celui-ci sur cette question de la haute instance indépendante de surveillance des élections et sur toutes celles ayant trait aux règles qui vont régir le jeu électoral, il ne va pas lui falloir se contenter d'émettre des déclarations rageuses dénonçant que révision de la Constitution ou pas, l'ère de la fraude électorale n'est pas près d'être refermée par les changements de façade opérés dans les lois électorales. Devant ce qu'elle considère, à juste titre, comme un habillage visant à créer l'illusion que les règles du jeu électoral sont désormais vertueuses et à même de donner lieu à des compétitions et à des scrutins électoraux démocratiques, transparents et propres, il lui faut se déterminer quant aux positions qu'elle compte adopter du moment qu'elle se déclare convaincue que la fraude électorale sera inéluctablement au rendez-vous des échéances électorales à venir.