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La sempiternelle crise de logement

par Kamal Guerroua

Déjà, au début des années 1970, l'Algérie s'est retrouvée empêtrée pour cause de démographie galopante dans une grave crise de logement. Incapable de gérer un exode rural, devenu trop massif, vers les villes, elle aurait inventé des solutions de rechange (révolution agraire, politique des plans, construction de villages socialistes, distribution de lots de terrains aux agriculteurs dans les campagnes avec des aides matérielles concomitantes afin de les encourager à mieux s'y installer, etc.) qui n'ont toutefois pas suffi à endiguer un phénomène qui allait crescendo d'année en année. Or il est utile de savoir que cette situation aurait déjà été prévue dès l'indépendance mais reléguée, depuis, au second plan pour incompétence managériale et absence de politique urbanistique à la hauteur des défis de l'Algérie de l'époque. Sans doute, la succession de multiples gouvernements au cours des années 80, lesquels n'ont pas su ou pu se pencher sérieusement sur la question et la récession économique subite en 1986 en raison du «Contre-choc pétrolier» qui a vu le prix du baril atteindre 10 dollars, n'étaient pas pour apaiser un front social qui, rappelons-le bien, aurait inscrit deux ans plus tard, soit en octobre 1988, au côté de l'exigence de l'ouverture politique du régime, le couple emploi et logement. En outre, la terrible brèche de la décennie noire (1992-2000) n'a fait qu'aggraver davantage «cette cicatrice» avec l'apparition des bidonvilles, des cités-dortoirs, des quartiers périphériques aux conditions de vie dérisoires à la devanture des villes, etc. La délinquance, le grand banditisme et la propagande islamiste y ont élu pour longtemps domicile, formant les poches qui alimentaient le terrorisme. Certes, l'embellie financière à l'entame des années 2000, favorisée par la montée en flèche des prix des hydrocarbures, aurait transformé l'Algérie en immense chantier de construction, lequel a accompagné les programmes de relance économique, mais il n'en demeure pas moins que les dégâts soient déjà faits au niveau local. Le changement d'aspect de nos cités urbaines, «la ruralisation» progressive, systématique et sauvage des comportements, la multiplication des embrouilles du voisinage, les trafics en tous genres en sont quelques unes des manifestations. D'aucuns reconnaissent aujourd'hui que nos villes sont devenues de vastes dortoirs où le civisme et la salubrité sont peu présents. De même la promiscuité, «la déformation» de la langue et l'ostentation à l'extrême y ont-elles effacé le charme, la tranquillité et la discrétion d'antan.

Et ce diagnostic ne faisant qu'empirer au fur et à mesure de l'augmentation de la population d'autant que l'école étant défaillante. Les grands villages que sont nos villes respirent à peine dans cette bulle «faussement» artificielle qui les étouffe. On dirait que nos responsables ont mis la charrue avant les bœufs, c'est-à-dire, ils se sont mis à construire, pêle-mêle, des cités pour recaser des familles nécessiteuses sans en préparer ni étudier le terrain. Or quiconque sait que la gestion citadine est une affaire trop sensible pour qu'on la laisse à l'aléatoire.