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Le lait en vente concomitante!?

par Abdelkrim Zerzouri

L'austérité, fatalement accompagnée d'une nette hausse des prix, n'a pas épargné les produits sensibles, voire de large consommation. L'augmentation des prix qui a touché les carburants a dominé les débats en ce début d'année avec la mise en œuvre de la loi de finances 2016, car on craignait, à juste titre, un effet boule de neige qui toucherait tôt ou tard tous les autres prix, mais ce débat a jeté un voile sur des pratiques sournoises qui ont fait flamber les prix sur le marché, touchant presque tout ce qui s'achète.

Pis, même des produits dits «sensibles» n'échappent pas à cette folle ascension des prix, à l'exemple du lait qui subit de plein fouet cette politique d'austérité. Le prix du lait, comme la semoule et le pain, bénéficie d'un soutien étatique indiscutable, sacré, laisse-t-on croire, mais on commence à se rendre compte qu'on tente de nous faire avaler des couleuvres. La baisse drastique de l'importation de la poudre de lait, officiellement reconnue à un taux qui avoisine une chute à hauteur de plus 30%, a entraîné automatiquement la production du lait en sachet, celui fabriqué à base de poudre de lait, sur une pente raide.

Conséquence immédiate : le lait en sachet n'est plus disponible sur le marché en quantité suffisante. Les distributeurs sont approvisionnés au ??compte-goutte'' par les laiteries.

Enfin, il y a nuance qui mérite amplement d'être relevée, le compte-goutte concerne uniquement le lait en sachet de 25 dinars ! Maintenant, comme on se découvre une autre vertu, celle de consommer local, le lait de vache en sachet connaît, lui, un essor considérable. Le lait de vache en sachet, produit à partir du lait collecté auprès des éleveurs locaux, est plus que jamais mis en avant par les laiteries. C'est la seule solution pour combler le déficit laissé par la chute de l'importation de la poudre de lait. Seulement, la facture est lourde à payer par le citoyen. Le lait de vache en sachet est cédé à 50 dinars, le double de son alter ego tiré à partir de la poudre de lait. Ainsi, même si on ne le dit pas ouvertement, la subvention du lait a connu une réduction à hauteur de plus de 30%. D'autres produits suivront, certainement, dans le cadre de cette politique qui va vers une subvention ??sélective''. Le lait à 25 dinars doit profiter seulement aux couches défavorisées. Les autres, ils peuvent bien se payer un sachet de lait de vache à 50 dinars. Hélas, quand il descend sur le marché, le sachet de lait ne sait pas faire la différence entre les couches défavorisées et les plus aisées. C'est ??le premier arrivé, le premier servi''. Quand le stock de 25 dinars est épuisé, et qu'importe qui a bien pu avoir la chance de tomber sur le filon, on passe à l'autre partie, constituée de sachet de 50 dinars, et c'est à prendre ou à laisser. Egalement pour le pain. Il y a le stock de baguettes à 10 dinars, et l'autre à 20 dinars. On épuise le premier, pêle-mêle, pauvres et riches se ruent dessus, avant de se résigner à acheter la baguette à 20 dinars, lorsque le premier stock est épuisé, bien sûr. Une véritable pagaille sociale. Ces derniers jours, certains commerces ont trouvé une astuce imparable, en faisant dans la vente concomitante, celle-là même qu'on croyait révolue à jamais. On vend par lot de deux sachets de lait, l'un à 25 dinars et le second à 50. A prendre ou à laisser.

Comme on le constate, et on doit bien se l'avouer, le lait en sachet à 25 dinars fait partie du bon vieux temps. C'est à la méthode fourbe, quand même, qu'on y va, car l'ancien prix est maintenu, mais on vous oblige à acheter avec une autre qualité, plus chère !? Dans cet ordre d'idées, la transmission passerait bientôt au pain, qui sera vendu à double baguette, l'une à 10 dinars et l'autre à 20 dinars ! C'est clair, la poire est coupée en deux, et c'est au bon citoyen de supporter, moitié-moitié, avec l'Etat, ce coût social des soutiens de prix.