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Corrompu un jour, corrompu toujours

par Moncef Wafi

Après le classement annuel de Transparency International (TI) sur la corruption dans le monde, épinglant l'Algérie à la 88e place sur 168 pays, une étude de l'ONG anti-corruption, basée à Berlin, montre que 26% des sondés algériens estiment que la corruption a augmenté en 2015. L'étude de TI a été menée dans neuf pays arabes et pointe du doigt une corruption toujours croissante avec un bonnet d'âne pour le Liban et le Yémen, deux pays en butte respectivement à une crise politique et un conflit armé. Et c'est la Tunisie qui a eu la meilleure note dans la lutte contre la corruption qui commencerait par les citoyens eux-mêmes.

Une action citoyenne à risque en Algérie «tant que l'on continuera à réprimer les dénonciateurs de la corruption», analyse l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC). Les exemples ne manquant pas et le plus illustre d'entre eux est le combat que mène Mellouk depuis deux décennies après avoir fait éclater l'affaire des magistrats faussaires. Souvent en Algérie ceux qui dénoncent la corruption se retrouvent devant la justice, une issue qui refroidit plus d'un patriote prédisant à la corruption de beaux jours à l'ombre de la crise économique et de la permissivité des autorités d'autant plus que Sellal vient d'ordonner de ne plus donner suite aux lettres de dénonciation anonymes.

L'étude de TI confirme une fois de plus que la lutte contre la corruption dans notre pays n'est qu'un slogan creux qu'on ressort des tiroirs à de rares occasions solennelles. Une justice dépendante de l'exécutif limite fortement son indépendance dans les dossiers de corruption où les pontes du pouvoir sont souvent cités sans être inquiétés, ce qui a fait dire à l'une des robes noires que le moment n'est pas encore venu pour l'Algérie de condamner un ministre de la République. Pourtant les discours ne manquent pas mais se désagrègent face à un manque de volonté politique flagrant de combattre efficacement la corruption.

On se rappelle que dans le sillage du rapport annuel pour 2012 de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH), son président Farouk Ksentini, et devant l'ampleur prise par le phénomène, avait proposé de punir «sévèrement» les crimes liés à la corruption et leurs auteurs de ne bénéficier d'«aucune circonstance atténuante». Le rapport de la CNCPPDH estimait que la corruption «se banalise et, l'impunité aidant, risque d'entraver toute démarche destinée à atteindre les objectifs socioéconomiques». La CNCPPDH interpellait alors «les hautes autorités nationales» pour éradiquer ce fléau en permettant notamment «au pouvoir judiciaire d'exercer pleinement, sereinement et de manière indépendante l'ensemble de ses prérogatives légales». Des années plus tard on en est au même point.