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Bonne fête !

par El Yazid Dib

Alger, le 31 octobre au profond soir. La police. Le 1 novembre aux premières heures aurorales. Y a que le néant et la police. C'est cet agent qui par sa silhouette remplit la ville. Le seul qui bosse en férié. C'est lui qui fait en fait le jour et la nuit. Il encadre la quotidienneté et meuble le vide. En ce 1er novembre, ils sont là identifiant un événement. Et les autres ? Les bras de Morphée ne semblent pas pouvoir les libérer avant que les lueurs solaires ne tapotent en leurs vitres endimanchées.

Le premier novembre est une date particulière, une journée chômée et payée. C'est un arrêt mémorial que l'on devait observer chacun à sa façon, chacun selon son intonation intérieure. Le vivre en silence, par pensée, résurrection, errance ne suffirait-il pas à chacun de nous de faire le voyage en arrière du temps, dans le sillage des mémoires encore blessées ? Ainsi dans nos boulevards, nos quartiers et nos villes, un premier novembre s'annonce par les couleurs des fanions et autres guirlandes que la mairie le plus souvent sous l'impulsion traditionaliste du wali tend à mettre en exergue. Il leur est un programme. Fêter et faire fêter le premier novembre ou toute autre «fête» nationale par sa population est devenu une mission tout aussi banale que celle d'attrouper les éternels constants invités en la circonstance.

Comment fête-t-on maintenant Novembre? Allez voir, qui se trouve sur la placette publique à 00 heure de chaque nuit de ce jour qui a terrifié l'OTAN et rassemblé tout un peuple. L'on ne trouve que des officiels. Ce peuple, l'héritier de l'autre peuple, dort. Il se réveille le lendemain pour scruter le décor urbain pavoisé et guirlandé. Pas plus. A l'époque, dans chaque maison, maisonnette, chaumière ou gourbi, l'emblème national «nedjma ou hlel» en constituait le principal et sacré ornement domestique. On le faisait brandir à chaque occasion. Ces drapeaux fusaient de partout lors des fêtes nationales. Même dans les écoles post-indépendance l'ensemble des travaux scolaires manuels étaient conçus tels que faire des calots, des insignes et tous ce qui peut signifier clairement des signaux forts du nationalisme, exprimait ardemment l'amour de la patrie. En ces temps cet étendard, semble-t-il, est en passe de devenir une exclusivité de l'Etat et de ses collectivités. Le nationalisme n'est pas une exclusivité étatique ou un document de service public. Il ne s'octroie pas. C'est un comportement, un esprit, une pieuse pensée et une profonde réflexion. On appellerait ça aujourd'hui la citoyenneté. Chacun y est soumis, chacun y a droit.

Si l'administration se retire de l'organisation de ces fêtes, il n'y aurait que des jours et des jours qui se ressemblent. Le premier Novembre ou le 5 Juillet, si match n'y est pas, ne serait qu'un autre temps d'un autre jour à perdre encore dans l'anonymat le plus entier de la chronologie. Et c'est toujours ce policier qui tend à nous rappeler par sa présence matinale sous les oriflammes accrochés par la mairie que le jour est une date à fêter. Le soleil s'apprête à se diffuser et chasser sur Alger ses brumes pour le remettre à ses embarras et ses bouchons. Le policier sera encore là pour l'aider à le faire. Bonne fête novembriste !