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Un ministre, ça sert à quoi et ça dure combien ?

par Moncef Wafi

Le changement dans la continuité, célèbre slogan d'une République qui marche sur ses propres pas. Bouteflika ou celui qui lui murmure à l'oreille ou ceux qui dictent les ordres à l'oreille de celui qui murmure à l'oreille de Bouteflika, enfin, quelqu'un a décidé de changer quelques ministres fusibles pour donner l'impression que le pays a bougé. Pas de beaucoup, mais un petit frisson pour rappeler que, même en été, l'Algérie peut avoir froid? dans le dos. Des portefeuilles ministériels qui ont seulement changé de mains alors que les stratégies restent figées aussi immobiles qu'un peuple qui regarde. Des ministres alibis s'en sont allés, d'autres sont revenus. De nouveaux visages ont fait leur apparition alors que les inamovibles de la République sont restés, soudés à leurs ministères. La raison première d'un remaniement reste la performance, ailleurs, mais pas en Algérie où le choix d'un nom ne répond à aucune logique de gestion. C'est vrai que ceux qui ont été mis à la porte du gouvernement n'ont pas fait grand-chose pour justifier leurs avantages, mais cela ne veut aucunement dire que ceux qui sont restés soient des génies de la République.

Qu'une Labidi soit éjectée pour avoir transgressé les règles convenues d'un gouvernement qui ne répond ni aux accusations de la presse encore moins à celle d'un leader politique est énigmatique. Le message : c'est qu'on ne sort pas des sentiers battus et on fait comme tout le monde, on se tient à carreau. Il n'y a qu'à voir un Ghoul, un Boudiaf ou un Bouchouareb pour comprendre que plus on se tait plus on augmente son espérance de vie au sein de l'appareil gouvernemental. Et si on analyse dans le fond ces changements, on n'y décèlera que de la poudre aux yeux comme celle qu'utilisent les faussaires maliens pour maquiller les faux euros.

Ce soubresaut ne concerne évidemment pas l'Algérie d'en bas qui voit d'un œil morne les affaires d'en haut. Rien ne l'intéresse le petit peuple, ni le nom des ministres ni les raisons de leur éviction. Les luttes intestines entre clans d'un pouvoir kleptocratique ne le touchent que si elles débordent sur la voie publique et qu'il en paye le prix fort. Lui, c'est savoir si le sable sera gratuit pour ses os et ceux de ses enfants et éviter ainsi les plages non surveillées qui mangent chaque année une centaine d'Algériens fauchés. Reste à savoir, maintenant, quelle sera la durée de péremption des nouveaux visages et que raconteront-ils au petit peuple pour faire semblant que l'Algérie bouge. Et lors du prochain remaniement, demandons à Sellal de virer tout le monde à voir l'ensemble de leurs œuvres.