Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le revers du temps

par Ahmed Farrah

Dans un passé récent, l'espace public était rythmé par les débats culturels et les confrontations des idées. La lecture, le cinéma, le théâtre, la musique et le sport faisaient mieux que ce que font aujourd'hui les pseudo-universités dans la diffusion du savoir et du savoir-être. La vie quotidienne n'était pas plate, morne et maussade comme elle l'est actuellement et où les gens n'ont autre choix que de se terrer chez eux devant les écrans de télévision et des ordinateurs. Les années 1970 et 1980 furent riches en évènements mondiaux et nationaux, la jeunesse était ambitieuse et aspirait au progrès et à une vie meilleure. Le salut venait de l'avidité de progresser par les échanges de vues, du vécu et des voyages à travers le monde. L'Algérien du village, et celui de l'intérieur, ne se faisaient pas de complexe, et réussissaient à se faire de la place parmi le gotha intellectuel de la capitale. Les idées foisonnaient et se concurrençaient pour prendre de l'ascendance. La gauche intellectuelle francophone voulait imposer le progrès socialiste, les baathistes arabophones faisaient l'éloge du panarabisme, les berbéristes leur répondaient par l'algérianité, la flamme islamiste était encore timide, le courant libéral à ses débuts, c'était l'Algérie paisible, en paix avec elle-même ; bien que le contexte de l'époque fût encore fermé. Rien à voir avec cette Algérie qui a tourné le dos à ses valeurs et à ses origines ; cette Algérie-là veut ressembler à ce qu'elle n'est pas, elle a régressé et est devenue frêle et sans envergure, ruralisée et méconnaissable, où la médiocrité s'installe, s'étale et étale le déclin, la pensée figée au temps qui s'est arrêté, la violence a gagné l'espace et les interstices, le civisme est étranger, la vertu est ignorée, la culture est une tare, la cupidité est une marque et l'argent une fin en soi.