Vents très forts. Le ciel semble combattre un autre ciel
au-dessus. Quelqu'un veut arracher les arbres, les routes, les branches, les
poteaux et effacer une page immense pour commencer une autre histoire. Un autre
résiste, s'accroche aux sols, s'agrippe et tient tête, la tête entre les
genoux. C'est le seul événement, il est de l'ordre de la météo. Le reste est
insipide. Dans le fatras des mille et une nuits algériennes, il y a l'étrange
explication de Louisa Hanoune qui apporte une dose de surréalisme
supplémentaire à notre cas national. A chaque fois qu'un iceberg surgit, elle
est l'auteur de l'explication la plus inattendue. Cette fois, le gaz de schiste
: la contestation serait une manœuvre d'une société française, financée par des
arabes du Golfe, pour déstabiliser Bouteflika au Nord. Selon elle, aussi,
Haddad est un Khalifa redoutable et qui s'est accaparé les pouvoirs du
Président, la main de son frère, les ministres de son gouvernement et jusqu'au
galons de Gaïd Salah. Un peu vrai, dit le café, un peu faux, dit le thé. Que
savons-nous, nous peuple maigre de la tête, gros du ventre, logés nourris et
castrés ? Rien. Le seul Président qu'on a réussi à chasser est de Gaulle,
Charles. Encore que lui aurait choisi la séparation presque à l'amiable. Sinon,
pour les autres, on les a vus applaudis, écoutés, contournés, subis, supportés,
attendus ou accompagnés à la tombe. Rien de plus. Chère Louisa, nous ne savons
rien que ce que nous écoutons aux portes de notre propre pays. Peuple au bras
court, à l'œil mauvais et à la langue qui fait deux fois le tour des épaules
pendant l'hiver ou les heures vides.
Nous sommes pauvres et corrompus, l'âme en semelle et nous
sommes un peu mort quand le pays nous touche la peau. Donc, nous ne savons
rien. Nous attendons.