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LE MARCHE OU CREVE

par M. Abdou BENABBOU

On apprend qu'une large frange de la population armée du sud du Nigeria reçoit l'équivalent de 300 euros par mois pour chaque habitant qui a déposé les armes. Un accord tacite mais non moins officiel entre le gouvernement nigérian et tous les éléments rebelles du delta du Niger où l'essentiel du pétrole de ce pays premier producteur d'Afrique est puisé.

Là donc la paix sociale a un prix. Les anciens révoltés avec la complicité de leur gouvernement donnent ainsi une définition très particulière à la répartition des richesses. La population du sud du Nigeria a les deux pieds posés sur toute la réserve pétrolifère et elle entend être la première bénéficiaire de son exploitation. Elle ne se prive pas d'ailleurs d'aller elle-même en extraire armée de fûts et de jerricanes et quand elle bute contre des rappels à l'ordre, elle ne se gêne pas pour y mettre le feu.

On sait que ce pays, première puissance économique africaine, dit-on, est gangréné par la corruption. Elle est institution et personne ne s'en cache. L'on se demande si en définitive cette forme de rémunération en échange d'une vague paix n'est que la simple officialisation d'une recette politique établie à travers le monde. Chaque pays lui donnant des formes et des articulations pour prêter bonne figure à une légalité et une rationalité perçues par l'ultralibéralisme comme tatillonnes et débridées.

Les Américains, les premiers, ont toujours pensé dur comme fer que mettre la main dans le Trésor public pour accompagner financièrement le citoyen était une gabegie. S'embarrasser de préoccupations de solidarité sociale serait pour eux un blasphème et certains vont jusqu'à penser que cette surdité affichée face aux velléités humanistes serait la base de leur suprématie.

Le débat sur l'intervention des Etats par leurs aides financières dans les secteurs qui régissent la vie de leurs citoyens ne fait que commencer avec son lot de dramatiques coupes budgétaires et de remises en cause d'acquis sociaux. L'implacable crise économique mondiale donne aujourd'hui l'impression que la rotation de la Terre est contrariée et qu'elle est encline à tourner à l'envers. Les exemples portugais, espagnol et grec aujourd'hui sont édifiants à ce sujet. La tendance est au marche ou crève et une nouvelle approche se dessine pour tracer aux peuples un nouvel itinéraire. Quand un pour cent des humains détient quatre-vingt-dix pour cent des richesses du monde, un fabuleux dilemme à résoudre s'impose pour s'interroger sur les tenants de l'existence de toute l'humanité. Faute de quoi le Nigérian du Delta s'estimera encore dans son droit de participer à la rapine en prenant n'importe quelle arme qu'il trouvera à sa portée.