Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

La berlusconisation algérienne est en marche

par Kamel Daoud

Nous l'avions voulu, rêvé, attendu : la transition. Et la transition est là. Entre eux. On a longtemps dit que la solution au régime sénile algérien était la solution biologique, l'attente de la mort d'une génération ou de ceux qui s'en réclament puis, heureux et débarrassés, on allait passer de la libération à la liberté et enfin, consommer le rêve de nos ancêtres et avoir un pays, une semelle, un pas et un bond. Que non ! La solution est alimentaire : là, sous nos yeux, le régime vient d'organiser sa transition et sa succession : de Bouteflika à Haddad. En gros, c'est une sortie sécurisée. Et en gros, on se retrouve aujourd'hui dans une situation étrange : un régime avec deux pouvoirs. D'un côté Bouteflika, Abdelaziz s'entend, le Général, les habituels soutiens du Régime, ses partis et son discours et ses appareils. De l'autre, les nouveaux patrons, la berlusconisation ouverte, les capitaux-clients avec journaux affidés, sociétés, entreprises, marchés, soutiens occidentaux, relais au sein des corps constitués et ministres.

Pour ceux qui n'avaient pas saisi cette transition, elle était déjà là, évidente, dans la mutation de substance du FLN : parti de contrôle sur la ruralité, il en devint un réservoir de « blanchiment » pour nouvelles bourgeoisies urbaines, rurales et du marché libre. Par la suite, on avait compris que cette mutation allait avoir son illustration dans les équipes de ministres et le système de quota entre « ministres » et DG parrainés par un patronat et d'autres choisis selon les traditions régaliennes de l'Etat algérien. Cette berlusconisation présente, entamée en douceur depuis une décennie, toucha les corps constitués, les nominations-clefs et le corps des walis. On y est donc : pendant que l'on se fendait à défendre la solution par la démocratie, le Régime a choisi de construire, dans le silence, la transition alimentaire. Voilà donc : maintenant c'est fait. La succession est assumée, publique et ne se cache plus. La berlusconisation est l'avenir du Régime ; pour le moment on est entre deux Pouvoirs mais pas en concurrence, œuvrant de concert pour un monde meilleur, le leur. « Travaillant » la clientèle et assurant la relève et la passation de pouvoir sans heurts. L'un assurant le discours de légitimité, l'autre étendant son contrôle sur les appareils.

Voilà, c'est fait : nous sommes un pays en transition, sans révolution, sans changement, ni concession. Sans nous. Tout se fait sans nous en Algérie, sauf quand il s'agit de mourir pour ce pays. Là, on est les premiers convoqués.