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L'automne craint le printemps

par El Yazid Dib

Par jalousie. Par effet de mode. Ce qu'une saison ne pouvait produire serait tenté d'être récolté par la monotonie d'une autre. Le printemps n'est plus un assemblage de mois ou un amas de fleurs vierges et joyeuses. L'automne, aussi, n'est plus dans le jalonnement des rues par des feuilles mortes ou le dénuement des rameaux. Une forte dualité contagieuse se faufile dans l'intersaison. Quand l'on voit des bottes marcher avec des balles désarmées, c'est se dire que la force souffre. Que les pylônes d'une idée ne résistent plus aux ressacs des vagues qui déferlent sur le long des diversités littorales. Dans une marche, il y a toujours des pieds qui s'exécutent et une tête qui réfléchit. Quelle que soit la direction prise, marcher conduit à l'essentiel, dit-on. Cet essentiel n'a pour le moment qu'un sens unique, en veillant à éviter le sens giratoire trop rébarbatif. Aller vers un autre soleil, autrement défini, communément arrosant. Généreux pour les cimes et le parterre.

Rien n'est sempiternel et rien n'est cacheté au sceau de la garantie d'un calme trop achalandé. Là où justement un climat aux variations précaires se croit être à l'abri des turbulences que de gros nuages viennent sans avertir pour assombrir le pays et ses sommets les plus culminants. L'automne est à l'ère des pluies ce qu'est l'ardeur solaire pour un estivant.

Ainsi, la nature va avoir horreur de la vacance. Tout est capable de s'obscurcir à l'instant. L'hésitation entre joie et effroi s'installe dans les cœurs pourfendus par un été ramolli, reconduit autant de fois. Il ne semble pas finir de sitôt. Paradoxal pour certains, le soleil qui se prend pour tel et qui dure trop ramène le spleen. Il embrase l'effort, fléchit le mouvement et déteint l'atmosphère. Ce soleil, qui depuis mille ans et après avoir brûlé l'initiative, cramé les peaux rebelles, carbonisé les âmes mécréantes, voilà qu'il refuse la naissance d'autres aubes plus pimpantes et plus jeunes. Il n'enchante plus. Ne pas trop affectionner le soleil est difficilement acceptable sous d'autres cieux désensoleillés en permanence ! Vivement un automne aux chants printaniers d'une tranquillité nationale.

Après l'injustice, le pire des châtiments qu'un humain puisse administrer à son semblable reste le traitement inégal. Le privilège à l'accès aux droits ou l'astreinte à des devoirs, voilà ce qui départage l'équité de la nature et des hommes.

Ce sont les hommes qui font le soleil. C'est à eux d'imager les saisons. Si certains, très peu parmi eux ont toujours configuré et retenu le ciel, régulé la providence et distribué le souffle, les autres plus nombreux ont toujours su aussi taire leurs embarras. Ils ont accepté à vomir l'encombre tel un sort ou une issue de fatalité. Les inégalités subies, les convenances ratées, les familles disloquées n'ont pu découdre en eux, en nous cet esprit quasi entêté, ne tendant qu'à la quête d'une liberté de raison et d'appréciation. Les expressions se faisaient toutes par avoir l'honneur, sans pour autant qu'il y soit. Ils présumaient que l'honneur était une substance rare à ne point gâcher envers ceux qui parfois ne le méritent pas. Expectorer des relents fétides d'un moment d'épuisement est une légitimité. Saisonnière ou non, corporatiste ou non, son essentialité réside là où tout semble s'écrouler et périr dans une bourrasque de détresse? momentanée. Comme un vent automnal ou une brise printanière, tout se verra le lendemain.