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Ghardaïa révèle le délitement de l'autorité étatique
par Kharroubi Habib
La
gestion exclusivement sécuritaire à laquelle le Pouvoir s'entient pour le
conflit communautaire dont la ville de Ghardaïa et sa région sont le théâtre, a
montré ses limites puisque, malgré le déploiement impressionnant de forces de
l'ordre en ces lieux, la violence et les affrontements intercommunautaires
reprennent au moindre prétexte et sont de plus en plus tragiques dans leurs
conséquences. Des partis et personnalités de l'opposition ont bien tiré la
sonnette d'alarme en faisant valoir que ce mode de gestion d'un conflit aussi
profond et complexe que celui qui a cours à Ghardaïa depuis des mois, ne peut
se régler de cette manière. Ce dont les autorités n'ont pas tenu compte. Leur
aveuglement a aggravé la situation au point qu'elles sont arrivées à être
confrontées à un fait absolument inédit dans les annales du pays : l'expression
de leur ras-le-bol de policiers dont le corps est chargé de la gestion
sécuritaire du conflit. Que ces policiers en soient arrivés à manifester
publiquement contre la pression terrible à laquelle ils sont soumis depuis trop
longtemps au milieu d'un conflit dont ils constatent que la méthode utilisée
pour le gérer est en échec, cela est un signe adressé aux autorités d'avoir à
la changer. Quand ce sont des policiers qui l'adressent, il ne devrait
qu'inciter ces autorités à rechercher une autre solution au conflit. Elles ont
bien tenté d'instaurer un dialogue avec les parties en conflit à Ghardaïa, mais
elles l'ont fait avec des interlocuteurs dont elles en ont elles-mêmes décrété
la représentativité et excluent ceux qui en sont réellement dotés, uniquement
parce qu'ils n'expriment pas le politiquement correct et, donc, susceptibles de
soulever des problèmes qui « gênent » ou de porter des accusations
compromettantes contre certains milieux attisant le conflit mais bénéficiant de
protections dont l'identification n'est pas voulue.
Le
conflit dont Ghardaïa est le théâtre n'a que trop duré. Et cela parce que, même
en dépêchant d'imposantes forces de l'ordre, l'Etat est absent dans la région,
au point que l'on est tenté de penser que le pourrissement découlant de ce vide
étatique a été quelque part prémédité et escompté. En tout cas, la fronde qui
en a résulté dans le corps policier directement confronté à ses conséquences,
montre que la situation a atteint une gravité qui risque de donner lieu à un
scénario plus tragique que celui que vit la région depuis plusieurs années. Il
est à craindre que le délitement de l'autorité qui se constate à Ghardaïa ne
soit en fait que la face avérée de celui de tout l'Etat algérien, résultant de
la paralysie dont est frappé son sommet depuis que le président de la
République est confronté à un problème de santé qui a rendu pour lui
pratiquement impossible l'exercice de ses fonctions. Comme l'a déclaré avec
raison un des leaders de l'opposition, «la tragédie de Ghardaïa n'aurait jamais
pris les proportions qu'elle a avec un pouvoir présent, légitime et crédible».
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