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Démembrement

par Bouchan Hadj-Chikh

Le roi Abdullah d'Arabie saoudite, indique l'agence de presse saoudienne, s'exprimant devant des ambassadeurs accrédités auprès du royaume durant une réception organisée en sa résidence privée de Djeddah sur la mer rouge, a « exprimé son inquiétude concernant la montée de la terreur au Moyen-Orient ». Il ajouta que « la menace terroriste atteindra dans un mois l'Europe puis, un mois plus tard, les Etats Unis ». Ceci dit, il invita les représentants de ces Etats à transmettre à leurs autorités ses craintes ainsi que son invitation à faire preuve de plus de dynamisme dans la lutte contre le terrorisme.

Attitude louable si elle n'était complétée, samedi par l'intervention, dans les colonnes du New York Times, du secrétaire d'Etat américain, M. John Kerry, dont l'analyse est la suivante : « Il y a une évidence selon laquelle les extrémistes ne s'arrêteront pas en Syrie et en Irak ? ils ont montré leur habilité à capturer des territoires beaucoup plus larges que ne l'ont jamais fait d'autres organisations terroristes dans une région contiguë à la Jordanie, le Liban, la Turquie », situation « qui se révèle périlleuse pour Israël ».

C'est dit ainsi.

Première conclusion : c'est de la sécurité de l'entité sioniste qu'il est question. Et des intérêts américains dans la région.

Conclusion du roi qui vient à la rescousse : « Le terrorisme doit être combattu avec force, raison et vitesse » et les leaders du monde doivent répondre avec hâte à ce « evil », en d'autres termes, « ce diable ». Le mot chéri de George W. Bush.

Belle division du travail.

Les Britanniques ne mirent pas beaucoup de temps pour forger un communiqué assurant que la menace terroriste est imminente. Derechef, ils se sont cadenassés. Les Américains n'ont pas suivi. Ils ne suivent pas. On les suit. Alors Londres a baissé le niveau d'alerte de « rouge » à « orange ».

La sagesse populaire, bien de chez nous, dit que « ne craint le feu que le ventre rempli de son » ou de « paille ». C'est selon. Et ceux qui évoquent le risque de terreur dans leur pays ont tout à craindre parce qu'ils ne se sont jamais demandé pourquoi cette terreur a fleuri ? il n'y a pas de génération spontanée, disait-on. Ils ont à trouver remède en lieu et place à la répression et, quand les moyens nationaux n'y suffisent pas, la répression importée.

Parce qu'il s'agit bel et bien d'un appel à l'occupation étrangère.

Il en est qui ne pouvaient se retenir. Benyamin Netanyahu prit le relais pour inviter, sinon contraindre, la communauté internationale à s'unir pour détruire le groupe djihadiste, appelant l'Arabie saoudite, l'Egypte et la Jordanie à constituer un front avec lui.

A nous faire croire qu'ils combattent le sionisme dans sa politique d'apartheid, de spoliation de terre, de refus de l'autre et d'oppression sanglante, en soixante-six ans, c'est de la survie des pays arabes, en tant que tels, qu'il est question.

La Syrie est à feu et à sang. Le Yémen proche du gouffre, les Emirats flagellant leur population à dominante Chia, l'Egypte aux mains de l'armée, le Liban jonglant pour s'éviter un retour à la guerre civile. Et l'Irak. Pauvre Irak dont il reste si peu.

Toutes les conditions à la disparition du pays de la carte sont réunies pour en finir. Que l'ISIS continue de saper ses fondements ? et les Américains ne sont pas étrangers à sa création ? et la division s'imposera entre les trois principales composantes de la population. On y trouve même des justifications historiques. Olivier Guitta, présenté comme un expert, analyste en matière de sécurité et de risques géopolitiques, consultant auprès des gouvernements suggère ? sous l'impulsion, l'inspiration de qui ? ? que la dynastie hachémite serait le candidat idéal pour mettre fin au cauchemar sectaire du pays.

« Vivre ensemble » lui paraît impossible. Sunna, Chia et les Kurdi seraient irréconciliables. Alors il remonte au Shérif Hussein Ben Ali, allié, durant la Première Guerre mondiale, aux Allemands et aux Turcs et qui, manipulé par Laurence d'Arabie, changea de fusil d'épaule pour s'allier à la Grande-Bretagne et à la France qui oublièrent la promesse de le faire « roi des arabes ».

Sommairement, ses descendants abandonnèrent l'Arabie saoudite en 1924 à la tribu des Saoud, qui confirma le royaume en 1932, et occupèrent, en compensation, avec l'aide de Londres, les trônes de Jordanie et d'Irak jusqu'au 14 juillet 1958 lorsque ce dernier pays devint une république et son monarque Fayçal II assassiné.

Ainsi prit forme cette solution. Faire de la république d'Irak un nouveau royaume qui apaiserait toutes les tensions aux yeux des trois composantes de la société et met ainsi un terme à leurs prétentions à se gouverner.

Et qui serait mis sur ce trône ? Abdullah de Jordanie. Parfaitement. Sans rire. A cause de ses supposés liens de sang avec les deux pays.

On lui prête des qualités insoupçonnées. Et d'autres encore comme la signature d'un traité de paix avec l'entité sioniste, le respect des dirigeants de l'Ouest. Il est le fils du roi Hussein et de Antoinette Avril Gardiner.

Un CV lourd.

Les stratèges affirmaient : une monarchie constitutionnelle, à la britannique, ferait bien l'affaire.

Simple vue de l'esprit ?

Que non pas. Ainsi, nous dit-on, le prince Hassan, oncle du souverain jordanien, aurait rencontré, à Londres, durant l'été 2002, les membres du Congrès national iraquien. Pour les sonder. Puis, en janvier 2003, durant la réunion de Davos du Forum économique mondial, les officiers jordaniens en ont mis une couche, indiquant que leur pays accueillerait favorablement l'idée de l'extension de l'autorité du roi à l'Irak. De quoi estomaquer les Américains.

Ils pourraient revoir la copie.

Et là, ça fera mal.

Le pays qui évoquait l'Irak uniquement en termes de « région de la Nation arabe », comme pour tout autre pays jusqu'à l'Océan Atlantique, se paiera un beau traumatisme. Annonçant, peut-être, la disparition même de la Ligue arabe.

Je me demande bien s'il ne faut pas s'en réjouir.

Basta des mythes.