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Quatre candidats lourds: Bourguiba, El Mali, Essi Abd El Kader, Abdelaziz

par Kamel Daoud

Immense singularité algérienne : l'histoire du pays tourne autour de ses morts (martyrs, disparus, tués, assassinés ou écrasés ou immolés) et l'actualité du pays tourne autour d'un malade. Les théories se multiplient donc à force d'énigmes. La première est que Bouteflika veut mourir Président même si le pays meurt avant de lassitude. La seconde est que son frère veut que le frère reste Président. La troisième est que Saâdani, Gaïd Salah, Benyounès et Ghoul sont quatre et veulent un quatrième mandat. La dernière est celle de Louiza Hanoune : Bouteflika ne serait même pas au courant, plongé à moitié corps dans l'au-delà, à moitié dans le souvenir d'autrefois. Le cas de ce Président devient épique et sa vie devient plus énigmatique que la mort de Boumediene dans les légendes urbaines. Est-il vivant ? Ici ? Ailleurs ? Pourquoi ne parle-il pas ? Jamais à nous ? Ou seulement par les images ? Qui l'habille ? Qui le pousse ?

Et rangés en cercles concentriques autour d'un journal qui raconte mal la vérité parce qu'elle boîte, on se murmure des choses, en ondes qui se déploient, espérant dans l'éternuement une explication et dans une rumeur le pas pressé d'une vérité. Nous ne savons rien. Et à force celui qui épuise même la chronique. Pour celle d'aujourd'hui, le chroniqueur ressent l'effet d'une tasse de café trop froid. Celui du cordonnier pour ceux qui le savent. Rien à dire de plus. On attendra la suite de la bande des quatre pour sauter sur l'occasion et essayer de voir ce qui se passe derrière les vitres du Palais. Apparemment personne ne sait rien de ce qui se passe dans la tête du bonhomme. Et même pas lui selon Louiza. Quel est notre avenir donc ? Celui de la salle d'attente d'un cabinet de médecin : la préposée est sèche et froide et parfois corruptible, la mixité y est interdite, les vieux gémissent, les revues sont vieilles et déchirées comme la vérité et l'exactitude (son parent mathématique) et la déco réduite à un banc long, des toilettes et des tickets que l'on froisse pour s'occuper. Le plus dur dans la salle d'attente est de tuer le temps. Chacun y va de sa manie : se ronger les ongles, parler de Dieu comme s'il vous parlait dans la tête par ligne directe, geindre sur la vie dure et l'âge ou raconter sa maladie ou celle d'un proche ou parler d'une guérison miraculeuse, d'une herbe rare ou de généalogie.