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Le soutien à la lutte des peuples

par Kamel Daoud

La nouvelle Tunisie vient de rappeler son ambassadeur en Syrie. L'acte  est lourd de sens car il rappelle que désormais, il y a deux sortes de pays « arabes » : ceux qui ont « décolonisé » et qui ont une diplomatie conforme, malgré le chaos et la transition, aux aspirations de leurs peuples, et ceux qui sont encore sous occupation de la minorité régnante. Nous en faisons partie. L'Algérie n'a pas rappelé son ambassadeur de Syrie ni condamné la répression féroce du Rat de Damas contre son peuple. Ni par les AE, ni par son ENTV. Mieux encore, ce qui se passe en Syrie ou en Lybie, est traité comme un lointain nuage qui ne nous concerne pas. Finement remarqué par un ami, on trouve le moyen de nous immiscer dans les affaires du Sahara occidental par « devoir de soutien aux aspirations des peuples » et on trouve le moyen de ne rien dire de valable sur la Syrie par?« prudence » ! Et qu'on n'aille pas parler de pro-marocain et d'anti-marocain car le chroniqueur l'a toujours dit : il n'est ni pour la RASD ni contre elle, mais seulement pour l'intérêt de la terre où vivent ses enfants !

Du coup, revenons au bilan.

Les pays qui ont chassé leurs dictateurs nous ont d'abord ravi ce qui nous restait du prestige révolutionnaire post-62. Ensuite, l'actuelle diplomatie du pôle nord et du « votre correspondant est injoignable pour le moment » a dilapidé ce qui nous restait du prestige diplomatique construit durant les années 70. L'Algérie ne se relèvera pas de cet excès de discrétion diplomatique face aux révolutions dans le monde «arabe» et dans le reste du monde. Les Libyens se souviendront de notre appui discret au rat de Tripoli. Les Syriens se souviendront de notre silence. Les Tunisiens de nos fourberies et les Egyptiens de notre effacement. Bouteflika et ses Medelci partiront mais le reste du monde se souviendront que l'Algérie n'a rien fait pour personne. Ce n'est pas notre faute certes, mais l'histoire et les jugements des autres peuples ne font pas dans le détail.

On a longuement jugé comme fantasques et incultes Libyens parce que leur dictateur était fantasque et léger. On a longuement jugé les Algériens comme courageux, fiers et indépendants, parce que leur guerre de Libération était courageuse, orgueilleuse et admirable. Nous n'avons pas été tous admirables mais quelques martyrs suffisent pour donner les meilleurs prénoms aux survivants.

Pour l'avenir, nous sommes donc déjà inculpés des vices de nos « maîtres » : incolores, frileux, rusés, calculateurs, glissants et peu sincères et encore plus sans audace. De quoi presque faire regretter l'époque du non-alignement et du Boumediénisme de scène. A cette époque au moins, nous avions un nez et un visage déchiffrable. Pour le moment, le non-alignement prend un autre sens : ni avec les peuples, ni avec leurs aspirations. Ni pragmatique quand on voit le coût du non-Maghreb, ni chevalier quand on juge de nos communiqués de « on déplore ». D'ailleurs, les lois du monde sont claires : on a une diplomatie quand on a un but national et des projets de couple entre l'Etat et le Peuple et une vision d'expansion ou de suprématie. Quand on se contente de manger, la diplomatie se contente de mastiquer.