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Zahra, la bonne graine

par Oualid Ammar

Finir au classement du championnat d'Afrique d'athlétisme 2010 avant le Maroc et l'Ethiopie, c'est l'exploit estival des athlètes algériens. Ces braves filles et garçons sont allés au Kenya sans zorna, ni bendir. Pas de chants ou de chansonnettes à leur gloire. Pas de gros sponsors, ni de gros contrats individuels de publicité. Pas de matraquage médiatique. L'Algérie officielle et le monde des affaires ne les ont pas calculés. En tous cas, rien qui soit perceptible à l'œil nu.

 Avec du recul et à froid, il y a quelques Algériens qui peinent encore à digérer le spectacle de l'agitation quasi hystérique suscitée par la phase éliminatoire de la dernière coupe du monde de football. Une folle « herwala » avec au bout un retour penaud au douar national. La poussière est retombée. Le commerce des drapeaux et autres textiles aux couleurs nationales a plus ou moins bien marché.

 Quelques importateurs n'ont pas eu le temps, pour des raisons administratives, de mettre leur marchandise sur le marché et ne savent plus quoi en faire. Ils n'ont pas pensé aux athlètes. Mais eux ne sont pas des vecteurs de vente massive. Ces pauvres orphelins. Leur fédération n'est pas assez puissante pour mobiliser, dit-on. Et puis, l'athlétisme ça ne titille pas autant le « ghachi », la foule, la multitude. Il est vrai également que n'importe qui peut accéder au football, de façon active ou passive. De toutes les façons, la multitude locale ne fait pas dans la nuance. Pas besoin de convoquer Lacan, Dolto ou Freud. Elle préfère ce sport collectif, point barre.

 Pourtant, Morceli ou Boulmerka, Ferguène ou Nachida Zellouf sont chacun champion dans leur catégorie. Chacun a travaillé, fait des efforts, donné de sa personne et souffert pour atteindre le haut niveau et se distinguer sur la plus haute marche d'un podium. Il semble que cela soit un peu compliqué à saisir et pas à la portée de tout le monde. Hélas. Heureusement que Zahra est là pour y mettre un peu d'ordre. Entre autres, elle fait comprendre qu'elle est capable de réaliser ce que ne peuvent pas réaliser onze bonhommes avec leurs egos surdimensionnés et leurs gros contrats, ainsi que leurs accompagnateurs qui chauffent les coulisses et les sièges des gradins.

 A Nairobi, ses camarades et elle ont remporté huit médailles dont trois en or. Zahra Bouras, 23 ans, au 800 m, a pratiquement coiffé sur le poteau la Kenyane Janeth Jepkosgei. Tout le Kenya en est encore assommé. Janeth était en tête à 20 mètres de la ligne mais elle s'est fait doubler in extremis par l'Algérienne Zahra Bourras, l'une des plus grosses surprises de ces Championnats, soulignent les commentateurs. Eux aussi n'en reviennent pas.

 L'Algérienne vient de la spécialité du 400 m et débute à peine sur le 800 mètres en arrachant une médaille d'or. Zahra, c'est vraiment de la bonne graine. Mais, au fait, c'est qui le président de la fédération algérienne d'athlétisme ? Monsieur le Président, bravo !