Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Désordre hormonal deux heures avant le match

par Kamel Daoud

« Nous en 2008 on était rien et voilà u'aujourd'hui nous sommes les gardiens du sommeil de nos nuits. On s'aime à mourir. Vous pouvez détruire tout ce qu'il vous plaira, on n'a plus qu'à ouvrir l'espace de nos bras pour tout reconstruire. Pour tout reconstruire. On s'aime à mourir.

 Nous avons gommé les chiffres des horloges du quartier, on a fait de nos vies des cocottes en papier, des éclats de rire. On a bâti des ponts entre nous et le ciel, et nous les traversons à chaque fois qu'on ne veut pas dormir. Qu'on ne veut pas dormir.

 On s'aime à mourir. Nous avons dû faire toutes les guerres pour être si forts aujourd'hui, toutes les guerres de la vie, et des décolonisations aussi. Nous vivons de notre mieux notre rêve d'opaline, nous dansons au milieu des stades qu'on dessine et on s'aime à mourir. Nous portons des drapeaux qu'on laisse s'envoler et tous les autres ont d'essayer de les retenir, de les retenir. On s'aime à mourir. Pour monter dans nos grottes cachées sous les toits, tous les peuples doivent clouer des bottes à leurs sabots de bois. On s'aime à mourir. Ils doivent juste s'asseoir, ils ne doivent pas parler, ils ne doivent vouloir, juste essayer de nous soutenir, de nous soutenir. On s'aime à mourir. Car nous avons dû faire toutes les guerres pour être si forte aujourd'hui, toutes les guerres de la vie, et l'indépendance aussi.

 Nous, on n'étais rien et voilà qu'aujourd'hui, nous sommes les gardiens du sommeil de nos nuits. On s'aime à mourir. Les ennemis peuvent détruire tout ce qu'il leur plaira, on n'aura qu'à ouvrir l'espace de nos bras pour tout reconstruire. Pour tout reconstruire. On s'aime à mourir.

 Que l'on gagne, que l'on perde on a déjà dansé jusqu'à en mourir, jusqu'à en revivre. On reviendra au pays que l'on a longtemps quitté, pour ne pas pourrir. Je sais que je délire. Que je délire. En 2008 on était rien et voilà qu'aujourd'hui nous sommes les Algériens du réveil de nos nuits, on s'aime à mourir. Je sais que je délire. Que je délire.»