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L'enjeu d'une société civile forte

par Abdelkrim Zerzouri

Le défi de l'émergence d'une société civile, pouvant réellement agir en tant que groupe de pression homogène, représentatif et peser sur les politiques gouvernementales, est immense. Le gouvernement réussira-t-il à concrétiser les orientations du président Tebboune, qui prônent d'accorder davantage d'intérêt à la société civile en l'aidant à s'organiser en associations et à en faire le creuset du progrès, du développement et de la cohésion sociale ? Difficile mais pas impossible en l'associant à une réelle volonté d'aller vers la démocratie et la consécration des libertés individuelles et collectives. Toutefois, relevons de prime abord que la notion de « société civile » a été tellement avilie, pire que la société politique en activité depuis l'indépendance du pays, par ceux qui se sont autoproclamés chantres des mouvements associatifs creux, qu'elle a perdu toute son âme.

Le mouvement associatif sonne creux, parce que pour toute représentativité de ces associations, on ne trouve que le président avec un cachet dans la poche, deux ou trois membres à ses côtés, pour balayer du vent ou accomplir quelques missions dans un cadre d'intérêt très limité. Il n'y a qu'à voir le foisonnement de ces associations, 91.000 recensées en 2018, et leur impact presque nul sur le terrain pour comprendre que la plupart utilisent les agréments en poche comme fonds de commerce. En vérité, à l'exception d'une infime partie, la plupart des associations ne sont que des outils, de mauvais appuis, vu le manque de crédibilité qui leur colle à la peau, d'ailleurs, entre les mains de l'administration ou de partis politiques.

Les exemples sont nombreux sur ce plan, mais citons uniquement les associations de parents d'élèves qui n'influent presque en rien en matière de proposition pour trouver des solutions aux conflits qui secouent le secteur d'une manière endémique. Pas toujours par la faute des membres de ces associations, car ces derniers rencontrent d'énormes difficultés pour tenir une assemblée générale en présence du tiers seulement des élèves inscrits dans l'établissement scolaire. Les associations de parents d'élèves sont parfois installées en présence des seuls membres fondateurs, juste parce que la réglementation exige une telle formalité. Alors, on parle sur les plateaux des télévisions depuis l'avènement des chaînes de télévision privées, c'est ce qu'on a appris de mieux à faire ces dernières années, sans réussir à imposer leur caractère. L'ancien système politique l'a voulu. Il a contribué à l'encouragement des associations faibles, dociles, pour connaître une fin minable.

Car une société civile forte, qui se construit elle-même, ne peut que contribuer à rendre fort le gouvernement, qui bénéficierait des propositions et des idées des citoyens, obtenir leur quitus pour aller de l'avant. Pourra-t-on, donc, avoir le courage de permettre l'émergence d'une société civile forte, capable d'influer sur les décisions des dirigeants politiques ? Toute la question est là. C'est même tout l'enjeu de l'édification d'une Algérie nouvelle à laquelle aspire le peuple.