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Peut-on administrer les prix ?

par Abdelkrim Zerzouri

Pour une fois, les promesses ou les engagements des autorités à la veille du mois sacré ne sont plus les mêmes. Cette année, on n'a pas eu droit au sempiternel serment de l'engagement de nouvelles mesures visant la stabilisation des prix et assurant la disponibilité des produits de large consommation pendant le Ramadhan, mais plus, ou mieux, encore. Car, le ministre du Commerce, Kamel Rezig, a affirmé que le secteur œuvrait à l'application de «réductions exceptionnelles» sur tous types de produits durant le mois de Ramadhan. Du jamais vu. «Le mois de Ramadhan de cette année sera clément pour le citoyen grâce à l'application de réductions sur les différents produits alimentaires et autres fournitures nécessaires», comme l'a annoncé le ministre du secteur. Et, pas seulement durant le prochain mois de Ramadhan, mais la coutume sera respectée à chaque année au même rendez-vous. Comment prendre cette déclaration inédite ?

A priori, il est permis de douter qu'on puisse à ce point influer sur les prix et chercher au-delà de leur stabilisation une réduction exceptionnelle. Rappelons que par le passé, les discours des autorités n'ont jamais été vérifiés, puisque à la veille du jour «J » les prix flambent, malgré la disponibilité des produits. Une disponibilité qui n'est pas, du reste, l'œuvre des autorités mais de la nature. La disponibilité d'un produit ou tel autre étant sujette à la saison. Pomme de terre, tomates,?viandes blanches et rouges, toutes les promesses passent à la moulinette. Puis, comme un aveu de leur impuissance à influer sur les prix, ces mêmes autorités ont pris l'habitude de venir dans les premiers jours du Ramadhan ressasser que les prix vont se stabiliser après la première semaine du jeûne. Ce qui est vrai, vu l'équilibre entre l'offre et la demande atteint forcément après les premiers jours du Ramadhan.

Tout l'enjeu, donc, serait de stabiliser les prix durant ces premiers jours du Ramadhan, ainsi qu'aux derniers jours, où l'on enregistre également une envolée des prix, notamment sur certains produits servant la préparation de l'Aïd. Ça marchera ou ça va encore grincer comme les années précédentes ? En tout cas, difficile de rassurer les consommateurs qui sont déçus chaque année et qui aimeraient bien voir pour y croire en accordant le bénéfice du doute au nouveau gouvernement, surtout au sujet de cette nouvelle promesse visant la baisse exceptionnelle des prix. Plusieurs mesures pour assurer la disponibilité des produits au profit du citoyen à des prix raisonnables ont été consenties, dont des textes juridiques afférents à cette stratégie soumise au Premier ministre, en sus de la constitution de groupes de travail chargés d'engager les préparatifs nécessaires à l'application de ces mesures. Comment y parvenir quand les prix sont libres, obéissant à la seule loi de l'offre et la demande ?

Les seuls prix qui ne changent pas sont ceux qu'on applique aux produits qui bénéficient du soutien étatique, comme le lait et semoule, hors de ce cadre c'est la folle valse des prix. Certains commerçants en font une règle immuable, «le mois sacré travaille pour le reste de l'année», vu les importants bénéfices réalisés durant ce mois qui peuvent amortir tous les creux de l'activité commerciale durant le reste de l'année. L'unique option reste l'adhésion volontaire des commerçants, qui par un esprit de bienfaisance et de solidarité réduiraient les prix en ce mois sacré, en cédant les produits selon le prix d'achat, sans aucun bénéfice. Mais est-ce qu'on peut atteindre le niveau d'une pareille conscience collective ? Enfin, on éviterait de le dire franchement à un commerçant, de crainte qu'il nous rie au nez si on lui demandait ce qu'il pense s'il devait vendre sa marchandise au prix d'achat. La raison d'Etat l'emporterait-elle sur la raison d'être, cupide parfois, des commerçants ? Wait and see.