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MECQUE ET OMS

par Abdou BENABBOU

Dans sa dernière réunion consacrée, dans la hâte cette semaine, l'Organisation mondiale de la santé a laissé entendre qu'elle réfléchissait sérieusement pour recommander à l'Arabie Saoudite de surseoir au pèlerinage à La Mecque cette année. Consciente des conséquences qui découleraient d'une telle annulation, la suggestion reste au stade de la réflexion car on ignore encore jusqu'où s'étendraient les graves effets tentaculaires de l'épidémie.

Prévu dans cinq mois, le grand rassemblement de plus de dix millions de fidèles a encore du temps devant lui pour une observation et un suivi sereins de la suite des événements.

Malgré toutes les mesures draconiennes engagées par l'ensemble des pays de la planète, nul n'est en mesure de savoir si l'épidémie entamera un recul ou au contraire une progression, mais en attendant les listes des populations contaminées s'allongent et le nombre des décès augmente de jour en jour.

Une telle situation dramatique ne se limite pas seulement à l'amorce d'un désastre économique pour le pays foyer de l'épidémie et pour son étendue progressive sur le monde entier. En plus de ses larges effets négatifs économiques, il est terreau idéal pour une importante distension du dissentiment religieux. Si l'OMS n'a pas pour vocation d'imposer des dictats, ses recommandations aussi avisées et aussi sages qu'elles soient n'ont aucune chance d'être appliquées quand il s'agit de saborder une obligation religieuse. Le présent virus n'est pas le premier venu des grandes épidémies qui ont sérieusement écorché l'Arabie Saoudite dans les particuliers moments des grands pèlerinages. Les autorités saoudiennes sont toujours passées outre toutes les recommandations et les alertes pour différentes raisons. La principale étant religieuse mais non dépourvue d'un œil sur les conséquences d'une éventuelle grande décision sanitaire qui ferait vociférer l'ensemble du monde musulman. Elle n'a que faire d'un nouveau problème qui élargirait ses démêlés politiques actuels. Elle pourrait à la limite se défaire sur ses pays hôtes et les obliger à leur léguer le choix à prendre eux-mêmes.

Mais dans ce cas, tout pays responsabilisé tiendrait compte du fait que le vœu suprême de chaque pèlerin musulman est d'être enterré dans les Lieux saints. Pour lui et poussé à l'extrême de la foi, le virus serait une bienheureuse pénitence.