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L'intérim produit des décisions qui pérennisent sournoisement le système

par Kharroubi Habib

Depuis qu'il a été intronisé chef de l'Etat intérimaire et nominal dans les faits pour une période de 90 jours mais s'est fait octroyer une rallonge qui va durer jusqu'à l'élection d'un nouveau président de la République le 12 décembre prochain, Abdelkader Bensalah signe à pleines mains lois, ordonnances et décrets sans s'émouvoir que ce qu'on lui fait signer enfreint parfois les limites que la Constitution assigne en la matière de pouvoir à l'intérim qu'il assure.

Ce que faisant, il renvoie l'image d'user du sceau présidentiel à la manière de l'éphémère et triste sultan marocain Ben Arafa. Il confirme ainsi la justesse du refus par le mouvement populaire de son intronisation et de sa revendication d'une transition excluant son maintien et celui des autres symboles du régime déchu. Faisant plus que veiller à l'organisation de l'élection présidentielle, le chef de l'Etat intérimaire a endossé des décisions qui vont hypothéquer pour un temps l'après-Bouteflika. Ce qui est à l'évidence l'objectif du pouvoir de fait qui les lui a dictées. Sous couvert que les décisions prises répondent aux revendications populaires, ceux qui les ont dictées sont en train de mettre en place les garde-fous destinés sinon à maintenir en l'état le système et le régime qu'ils veulent préserver, du moins à en repousser le démantèlement le plus loin dans le temps.

Ces précautions seront autant d'obstacles qui se dresseront devant le futur président quelle que sera sa volonté d'exaucer la revendication populaire du changement radical de système. Les chamboulements qu'opère sur ordre Bensalah sont en train de créer une situation de fait dont le vainqueur du scrutin de décembre devra faire avec, surtout si comme cela est prévisible son élection au « rabais » ne lui conférera pas la légitimité populaire incontestable qui lui sera indispensable pour s'attaquer au terrain « miné » dont il héritera. Les postulants à la magistrature suprême dont les dossiers ont été avalisés par l'autorité en charge des élections sont parfaitement au fait qu'ils devront composer avec ce que l'intérim de Bensalah aura produit de lois, ordonnances et décrets préservant l'essentiel de l'héritage bouteflikien et certains même s'y sont engagés auprès du pouvoir de fait pour lever les préventions qu'il pouvait avoir sur leurs candidatures.

Il y a trop de chausse-trappes qui ont été mises en place durant cet intérim de Bensalah. Ce qui justifie que le mouvement populaire maintient son refus d'une élection présidentielle organisée dans ces conditions et la poursuite de son action pour en obtenir l'annulation et la fin d'un intérim qui a cessé d'être constitutionnel en se muant en ordonnateur de décisions pour lesquelles la Constitution ne lui confère pas le pouvoir de les décréter.