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Gaïd Salah dans le collimateur de la contestation populaire

par Kharroubi Habib

En rangeant l'institution militaire au côté du mouvement populaire dont la revendication première était la destitution de l'ex-président Abdelaziz Bouteflika, le vice-ministre de la Défense et chef de l'état-major de l'ANP a incontestablement précipité la démission de ce dernier et fait avorter l'intention qu'aurait eue au témoignage de Khaled Nezzar son frère conseiller Saïd de procéder à son limogeage. C'est dire que le ralliement de Gaïd Salah au mouvement populaire de contestation a été l'assurance-vie qu'il a contractée contre les manigances qui se tramaient contre lui dans la résidence présidentielle de Zéralda. Ce danger écarté par la démission du président contesté et la neutralisation de son entreprenant frère, le chef de l'état-major de l'ANP a tôt fait de reprendre ses distances d'avec un mouvement populaire qui n'entendait pas se satisfaire de la seule victoire qu'est le départ du président déchu et affirmait sa détermination à en finir avec le régime érigé par celui-ci et les hommes et les institutions qui en sont les symboles et les piliers. Un objectif auquel ne peut souscrire Gaïd Salah en raison de sa culture politique et qu'il a entrepris de rendre impossible à réaliser en impulsant l'option d'une transition dans le cadre constitutionnel faisant la part belle dans ses mécanismes et son pilotage à ces institutions et symboles du régime dont le mouvement populaire réclame la disqualification.

Son entêtement à faire prévaloir cette option n'a pas entamé les capacités de mobilisation du mouvement citoyen qui n'en veut pas. Pire, il a fait que les millions d'Algériens qui répondent semaine après semaine à l'appel à manifester contre la transition constitutionnelle n'épargnent plus le chef de l'état-major de l'armée du « dégagisme de tous » qu'ils scandent dans leurs marches. Ils lui font ainsi comprendre qu'ils n'ont pas été dupes de son ralliement au côté du mouvement citoyen et des intentions qui sont les siennes en étant devenu l'homme fort et président de fait du pays suite à la démission de Bouteflika. La contestation populaire le cible désormais directement et preuve de la maturité politique de ceux qui l'expriment sans s'en prendre à l'institution qu'il commande.

Gaïd Salah ne peut désamorcer la contestation dont il fait l'objet en prétendant dans chacune de ses allocutions qu'il est ouvert à des solutions alternatives « réalisables » à la transition constitutionnelle, mais en affirmant péremptoirement dans le même temps qu'il n'est pas question de sortir du cadre constitutionnel. Il se trompe s'il pense que lassé de ne pas voir sa revendication d'une transition démocratique exaucée en dehors de ce cadre, le mouvement citoyen va s'arrêter et les millions d'Algériens cesser de descendre dans la rue. Son entêtement a certes provoqué des dissensions dans la classe politique dont le rôle est néanmoins anecdotique dans l'insurrection populaire qu'il veut éteindre. Il a par contre attisé la colère de celui-ci et cimenté son unité contre le scénario d'une transition constitutionnelle d'ailleurs déjà moribonde malgré ses imprécations à résonance toute martiale et menaçante contre ses détracteurs.