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Le faux vrai désengagement américain

par Kharroubi Habib

Avec Donald Trump officiant à la Maison Blanche, les Etats-Unis sont-ils en train de renoncer au rôle de gendarme du monde ? Pour certains analystes cela ne ferait pas de doute dès lors que le président américain l'a lui-même affirmé publiquement le 26 décembre dernier lors de la visite surprise qu'il a rendue à des soldats américains en Irak et que peu auparavant il avait à la surprise générale ordonné le retrait de Syrie des forces spéciales américaines censées y être déployées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme international.

Ces analystes se sont hâtivement emballés en considérant que l'affirmation par Trump du renoncement américain au rôle de gendarme du monde serait un fait acté qui va avoir une profonde répercussion sur la conduite des affaires internationales. Ils auraient été moins affirmatifs et péremptoires en décryptant avec rigueur le sens de la justification qu'a donné le président américain au prétendu refus de l'Amérique de continuer à jouer le rôle de gendarme du monde. Qu'a-t-il dit en l'occurrence sinon que son pays continuera dans sa politique interventionniste mais qu'il entend en faire payer le prix à ceux qui le sollicitent.

Dans sa déclaration du 26 décembre il a en effet crûment annoncé que les Etats-Unis « ne veulent plus être exploités par des pays qui nous utilisent et utilisent note incroyable armée pour les protéger. Ils ne paient pas pour cela et ils vont devoir le faire ». Que déduire de cela sinon qu'il n'est pas du tout dans l'intention du président américain de désengager son pays du rôle de gendarme international mais au contraire de l'y maintenir et d'en faire payer la facture à ceux qui ont intérêt à son interventionnisme. En clair, Donald Trump a signifié aux Etats qui ont un tel intérêt que le gendarme américain exige rétribution en contrepartie de sa protection et même que certains vont devoir en plus s'engager à ses côtés autrement que par le soutien diplomatique.

Au Moyen-Orient, cette nouvelle version de la « pax americana » que sous-tend la politique internationale échafaudée par l'inénarrable Donald Trump a déjà commencé à avoir une traduction. Les riches pétromonarchies dont la survie est tributaire de la protection américaine ont été impérativement sommées d'octroyer sous une forme ou une autre des subsides financiers faramineux à leur protecteur et qui plus est de constituer une alliance militaire régionale incluant Israël appelée à jouer le rôle de supplétif du gendarme que continueront à être les Etats-Unis.

En Syrie, il a été possible au président américain de manifester un semblant de revirement dans la position de son pays parce que sur le terrain la situation a tourné en défaveur de celui-ci. Plutôt que de reconnaître et d'admettre cette réalité, Donald Trump s'est rabattu sur l'explication du retrait militaire qu'il a ordonné par le fait que la coalition dirigée par Washington aurait battu l'organisation terroriste l'Etat islamique. Il est clair que les déboires américains en Syrie ne vont pas lui faire abandonner le rôle de gendarme auquel il a fait mine de vouloir renoncer et qu'il persisterait à vouloir le jouer à chaque moment de crise qui apparaîtrait ici ou là dans le monde.