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Humiliante injonction pour MBS

par Kharroubi Habib

Dans leurs plus sombres projections sur les inévitables répercussions internationales qu'allait engendrer pour l'Arabie saoudite l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, le ou les commanditaires de ce dernier n'ont pas envisagé qu'il en coûterait à leur pays d'être mis sur la sellette pour l'autre abomination qu'est la guerre menée au Yémen par la coalition qu'il dirige. Ils s'attendaient encore moins à ce que se soient des puissances amies qui soulèveraient en plein scandale de l'affaire Khashoggi la problématique de l'intervention saoudienne au Yémen.

C'est pourtant ce qu'ont fait la semaine dernière les deux pays dont l'appui n'a pas fait défaut au royaume depuis le début de cette guerre et l'ont ouvertement assumé même sous le feu de l'accusation qu'elle donne lieu à des frappes aveugles et des « bavures » dont l'atrocité suscite l'indignation universelle. Ces deux pays sont la France et les Etats-Unis. Dans une concordance de temps qui ne doit rien au hasard, Paris et Washington ont émis en effet la semaine dernière l'avis fermement exprimé que la guerre au Yémen doit cesser. Leur demande a dû faire l'effet d'une humiliante injonction pour Ryad qui ne saurait pourtant l'ignorer sachant que le royaume risque plus que l'enlisement dans lequel il est au Yémen s'il n'obtempère pas au « désidérata » de ses plus puissants alliés.

Mike Pompeo, le secrétaire d'Etat américain, relayé par son collègue à la Défense ont tracé une véritable feuille de route qui devrait être suivie pour mettre fin à la guerre au Yémen. Cette feuille de route est constituée de tout ce que le sulfureux prince héritier saoudien Mohamed Ben Salmane, le même que tous les indices ont désigné comme le probable commanditaire du meurtre de Khashoggi, s'est refusé d'accepter en entreprenant de faire intervenir son pays dans la crise yéménite. Elle dispose en effet que le règlement de cette crise ne passe pas par l'élimination de la rébellion houthie dont il a fait l'objectif de l'intervention militaire qu'il a ordonnée, mais par la négociation avec elle.

Mohamed Ben Salmane déjà sérieusement affaibli par les répercussions internationales du meurtre de Khashoggi l'est encore plus par l'injonction, même formulée diplomatiquement, qu'ont adressée à Ryad, Paris et Washington. Ce qu'il tente de dissimuler en créant l'illusion que Ryad est libre d'agir au Yémen comme bon lui semble et non pas comme le lui dicteraient ses alliés, fussent-ils les plus stratégiques. C'est en tout cas ce qu'il faut déduire des frappes auxquelles s'est livrée la coalition menée par son pays quelques heures seulement après que Paris et Washington ont fait entendre qu'ils voulaient que cesse la guerre au Yémen.

Cerné par la désapprobation tant intérieure qu'internationale que suscite son irresponsable conception de la gouvernance, Mohamed Ben Salmane qui apparaît être encore l'homme fort de la monarchie wahhabite semble tenté par la fuite en avant en tablant certainement sur le fait que même en les indisposant les grandes puissances qui ont contribué à la mystification qui a accompagné son ascension vers le pouvoir absolu en Arabie saoudite n'iront pas jusqu'à le lâcher. Un calcul à grand péril pourtant pour lui qui se pique de ne rien ignorer des retournements dont la « realpolitik » est susceptible d'en être l'inspiratrice.