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Discours à la nation : des vérités et une occultation

par Kharroubi Habib

Dans le message qu'il a adressé à la nation à l'occasion de la célébration du 55ème anniversaire de la fête de l'indépendance, le président Bouteflika n'a pas caché que le pays est dans une mauvaise passe due à la crise financière induite par le sévère recul de ses revenus extérieurs entraînant la dégradation de la balance des paiements. Il n'a pas scellé non plus que cette situation oblige à d'indispensables réformes amères et douloureuses et fait obligation au peuple d'en accepter la mise en œuvre et d'en supporter les conséquences sociales afin de préserver la souveraineté nationale.

Le peuple algérien ainsi interpellé par son président est en droit à son tour de lui faire savoir que sa responsabilité est pleine et entière dans la situation à laquelle le pays est confronté et que si des sacrifices de la part des Algériens sont désormais inéluctablement à venir, ils ne seront supportés que s'ils s'accompagnent de changements politiques qui mettront fin à leur exclusion de la gouvernance des affaires de la nation. S'il a parlé vrai sur la crise financière et économique que vit le pays, Bouteflika n'a nullement admis que sous son autorité il a été conduit des politiques n'ayant pas permis de mettre l'Algérie à l'abri des impacts sur sa situation financière du fait de la crise pétrolière internationale.

Bouteflika et les autorités qui sous sa conduite ont géré le pays ne sont certes pas responsables des dérèglements survenus sur les marchés pétroliers. La leur est de ne pas avoir doté l'Algérie d'une économie diversifiée productrice de ressources à même de pallier au recul des rentrées financières que lui procurent ses exportations énergétiques. Leur responsabilité est d'autant irrécusable qu'ils ont eu les moyens de mettre sur rail une stratégie visant ce but.

Les Algériens sont légitimement en droit de contester que les gouvernants qui n'ont pas su ou voulu sortir leur pays de la dépendance de la rente pétrolière alors qu'ils ont disposé des moyens de le faire, soient ceux à qui est confié de mener à bien cette mission dans des conditions aux conséquences ravageuses au plan social. Ils l'ont d'ailleurs spectaculairement fait savoir en boycottant massivement le scrutin tant présidentiel que législatif dont les résultats sont censés avoir confirmé l'adhésion populaire autour de ces gouvernants et de leurs politiques. Par patriotisme, les citoyens de ce pays sont prêts à accepter stoïquement de rudes érosions de leurs conditions sociales, mais pas de continuer à être dirigés par des faillis dont ils ont pris l'exacte mesure de l'incorrigible incompétence qui en fait des gribouilles recourant à l'improvisation et à la fuite en avant sans visibilité aucune.

L'heure est grave pour l'Algérie, ce qui fait obligation impérative d'un consensus national sur ce qui doit être entrepris pour l'en sortir sans préjudice pour sa souveraineté nationale et la cohésion de son peuple. Il ne peut se construire qu'à la condition que les gouvernants du pays admettent qu'ils ont failli, qu'ils ne sont pas omniscients et ont besoin pour cette raison des apports de toutes les compétences nationales fussent celles en lesquelles ils voient une opposition revendiquant le changement politique dont ils ne veulent pas.