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La Cinquième République moribonde

par Kharroubi Habib

Pour la première fois sous la Ve République en France, aucune des deux grandes forces politiques, la droite républicaine et la gauche socialiste, n'aura de candidat au second tour de la présidentielle. Leur défaite est pour les politologues un véritable séisme électoral qui ouvre la voie à une recomposition du champ politique français que vont préciser les élections législatives qui interviendront après le second tour de la présidentielle. Ce qu'il en résultera de la recomposition politique désormais actée par l'électorat français est en effet tributaire des résultats du scrutin des législatives mais avec une certitude qui est que la majorité électorale qui en émanera ne sera probablement pas sous la coupe hégémonique de l'un des grands perdants de l'élection présidentielle, à savoir le parti de la droite «Les Républicains» et le Parti socialiste.

Cette perspective préfigure que la future majorité avec laquelle en cas de victoire Emmanuel Macron ou Marine Le Pen qui ont accédé au second tour vont devoir gouverner, amalgamera des sensibilités dont ils seront en peine pour arbitrer les différends et divergences. Il en résultera inéluctablement une instabilité politique qui mettra à mal l'autorité présidentielle et que d'aucuns prédisent annonciatrice d'un retour aux pratiques de la Quatrième République dont la caractéristique a été qu'elles donnaient lieu à des reconfigurations de majorités au gré des considérations politiciennes des acteurs politiques siégeant à l'Assemblée nationale.

D'une certaine façon le résultat de l'élection présidentielle française a sonné le glas de la Cinquième République fondée par le général de Gaulle même si cela n'a pas été le but voulu par Emmanuel Macron ou Marine Le Pen dont l'un des deux sera le successeur de François Hollande. L'un comme l'autre ne pourront faire l'économie pour le moins d'une réforme du système politique qui est celui de la Cinquième République et dont une majorité d'électeurs français a clairement montré qu'elle n'en veut plus. Paradoxalement, les électeurs français ont balisé la route vers l'Elysée à deux candidats qui tout en s'étant présentés comme étant hors du système dont ils ont acté la nécessité de son changement, ne déclinent pas un programme politique susceptible de réaliser cette aspiration confirmée dans les urnes.

Il n'en reste pas moins que l'élection présidentielle française est historique ne serait-ce que parce qu'elle met fin au monopole politique qu'ont exercé conjointement la droite républicaine et le Parti socialiste pendant des décennies avec des semblants d'alternance, de rupture et dont la conséquence a été l'ossification du champ politique français. Ces deux forces politiques traditionnelles ont subi une « bérézina » électorale dont l'onde de choc en interne va provoquer leur implosion en accentuant les incompatibilités existantes entre les courants qui ont cohabité tant qu'elles ont eu les faveurs du suffrage universel mais se découvrent férocement antagonistes la défaite venue.