Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Indignation à géométrie variable

par Kharroubi Habib

Pratiquement tous les candidats à la présidentielle française à l'exception notable de Benoit Hamon qui concourt sous l'étiquette du Parti socialiste se sont déclarés en opposition avec l'attitude du président en exercice François Hollande et de ses gouvernements successifs vis-à-vis de la Russie, la jugeant trop marquée de suivisme derrière les Etats-Unis au détriment des intérêts de la France. Hamon qui répugne pourtant en tant que candidat socialiste à assumer le calamiteux bilan de ce président et de ses gouvernements s'est déclaré en phase avec eux concernant la politique qu'ils ont eue à l'égard de Poutine et de son pays et promet de la poursuivre s'il accède à l'Elysée.

La raison en est selon lui que le président russe est à la tête d'un régime antidémocratique qui plus est animé d'une volonté de puissance qu'il cherche à réaliser en tentant de redessiner à son avantage les frontières européennes et avec lequel donc se serait faiblesse de négocier sur ce terrain. Droit dans ses bottes sur la question de l'attitude à avoir à l'égard de la Russie, il a accusé Poutine d'avoir violé l'accord passé entre l'Europe et les Etats-Unis et son pays après la chute du mur de Berlin dans lequel a été inscrite l'intangibilité des frontières de l'Europe telles que dessinées au moment de sa conclusion. Violation que le candidat socialiste a illustrée en citant le cas du rattachement à la Russie de la Crimée alors qu'elle faisait partie de l'Ukraine.

C'est le droit du candidat socialiste de considérer le retour de la Crimée à la Russie comme une violation de l'accord russo-occidental en question. Mais alors il aurait dû dénoncer aussi commet tels les changements de frontières intervenus en Europe après la signature de cet accord et avant l'affaire de la Crimée. Ce sont les Occidentaux qui ont les premiers renié l'accord en changeant par la force les frontières de l'ex-Yougoslavie pour en tracer celles des Etats à qui leur intervention militaire a donné naissance. Il paraît que pour Benoit Hamon et le pouvoir socialiste français qu'il a défendu en l'occurrence que le principe de l'intangibilité des frontières ne s'imposerait que de façon variable.

La France qui le défend bec et ongles face à la Russie le foule aux pieds et cyniquement quand ses intérêts nationaux et ses alliances régionales ou internationales sont en jeu. Sa position dans le conflit du Sahara occidental en est la preuve indiscutable. L'Afrique a elle aussi décrété l'intangibilité de ses frontières héritées de la colonisation et pour la même raison qu'ont eue les Européens d'en adopter le principe: celle de ne pas ouvrir la boîte à des revendications source de conflits territoriaux inéluctables. Le Sahara occidental a des frontières qui sont concernées par ce principe de l'intangibilité et reconnues par l'Union africaine, la Cour de justice internationale de La Haye et les Nations unies.

Les gouvernements que défend Hamon ont refusé d'admettre ce fait en se rangeant aux côtés du Maroc qui a violé le principe en occupant le Sahara occidental. Faire la leçon à Poutine est malvenu de leur part et du candidat qui partage leur attitude à son égard. Il est vrai que Benoit Hamon en détresse électoralement a besoin de prises de position « chocs » pour tenter de redonner du tonus à sa campagne qui tourne en eau de boudin.