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Le deal syrien

par Moncef Wafi

Washington a reconnu, ce jeudi, ne plus faire du départ de Bachar El-Assad une priorité dans le règlement du conflit syrien. Alors que sous l'administration Obama cette question était l'un des fils conducteurs de la politique américaine en Syrie, les Etats-Unis ont explicitement annoncé que l'urgence est de chercher une nouvelle stratégie pour mettre un terme à la guerre civile qui déchire le pays. Et pour cela, les Américains ont affirmé vouloir travailler de concert avec la Turquie et la Russie pour trouver une solution politique de long terme en Syrie, plutôt que de se focaliser sur le sort du président syrien qui «sera décidé par le peuple syrien», a notamment expliqué le secrétaire d'Etat, Rex Tillerson.

Une position qui, évidemment, n'a pas été du goût de l'opposition syrienne qui avait fait du départ d'El-Assad un préalable à tout règlement de la crise. La déclaration de Monzer Makhos, un des porte-parole du Haut comité des négociations (HCN), qui rassemble des groupes clés de l'opposition syrienne, est sans ambages. «L'opposition n'acceptera jamais que Bachar El-Assad ait un rôle à aucun moment», avertissant que «notre position ne va pas changer». Ce changement de cap dans la stratégie américaine est perçu comme un rapprochement évident et naturel de Trump avec les Russes à la recherche d'un règlement politique consensuel. Si la solution à la crise syrienne ne serait certainement pas arabe, elle ne se fera pas sans le consentement d'Israël, partie prenante d'un conflit nourri par des intérêts économico-politiques sur fond de leadership confessionnel.

Le revirement de Washington, même s'il est dicté par la nouvelle vision trumpiste de la politique extérieure américaine, répond quelque part aux désirs israéliens. Le quotidien hébreu Maariv a annoncé que Tel-Aviv a indiqué aux différents protagonistes non syriens qu'elle était prête à réduire ses interventions militaires en Syrie si des accords secrets sont signés pour tenir le Hezbollah et les autres milices chiites loin de ses frontières au Golan. On apprendra aussi que l'Etat sioniste préfère avoir à faire avec les forces gouvernementales qui ont assuré la paix à ces frontières pendant des décennies, empêchant toute attaque contre Israël. Alors y a-t-il deal implicite entre Turcs, Russes et Américains pour appuyer sinon ne plus prioriser le départ d'El-Assad contre le retrait des hommes de Nasrallah de la Syrie ? Les derniers et fréquents déplacements de Netanyahu à Moscou sont peut-être un début de réponse.