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Les Américains n'ont pas joué franc jeu

par Kharroubi Habib

Dès lors que Washington a refusé que soit dévoilé le contenu de l'accord de trêve conclu par John Kerry et Sergueï Lavrov, il est aussitôt apparu que la partie américaine ne jouait pas franc jeu et n'allait pas respecter les engagements donnés par son secrétaire d'Etat. Cela a été très vite démontré par l'attitude américaine qui a consisté à ne pas considérer que la viabilité de la trêve est conditionnée par l'obligation pour la prétendue rébellion « modérée » qu'elle soutient de se découpler des groupes terroristes reconnus comme tels par le régime mais également par Washington et les Nations unies.

Les Américains pouvaient-ils décemment exiger des forces du régime de respecter malgré tout la trêve au prétexte que leurs rebelles protégés qui se sont refusés à la prise de distance avec les groupes terroristes feraient les frais d'une poursuite des combats contre ces derniers. Les Russes affirment que les Américains ont pourtant promis qu'ils communiqueraient les positions qu'occupe la rébellion « modérée » et seront concernées par la trêve. Ce qu'ils n'ont pas fait et n'a pas donc contraint cette rébellion « modérée » à dissiper l'écran protecteur de sa présence dans des positions en réalité tenues par les groupes terroristes. Il devenait cyniquement aisé pour Washington de dénoncer toute réplique des forces du régime à des attaques venant de ces positions comme des violations du cessez-le-feu.

L'autre preuve de la mauvaise foi des Américains et de la fausseté de leurs intentions en Syrie est qu'ils ferment les yeux sur le déversement continu dans ce pays d'armements les plus sophistiqués qu'ils savent parvenir à l'organisation terroriste Al Nosra qu'ils prétendent combattre au même titre que Daech. En réalité, les Etats-Unis ont intégré le Front Al Nosra dans le dispositif militaire qu'ils ont mis en place en Syrie pour abattre le régime de Bachar El Assad.

Une trêve même virtuelle a représenté pour les stratèges américains la concession à obtenir du régime de Damas et de son allié russe. Une séquence qu'ils ont entrevue comme permettant de diminuer la pression que les forces gouvernementales syriennes sont parvenues à exercer sur les combattants de l'organisation terroriste et du même coup à faciliter pour elle l'approvisionnement en armement.

Si les Etats-Unis voulaient vraiment l'instauration d'une trêve en Syrie, ce n'est certainement pas à la prétendue rébellion « modérée » qu'ils se seraient adressés mais à ceux qui sont véritablement derrière la mystification qu'est sa supposée existence. Laquelle leur sert pour couvrir la vérité que l'armement qu'ils déversent en Syrie n'est pas destiné à cette rébellion mais à Al Nosra et à tous les autres groupes wahhabo-terroristes qui sont pour eux les forces sur lesquelles ils misent en réalité pour faire tomber le régime syrien.

L'on fera remarquer que les Saoudiens n'ont guère réagi à l'annonce de la conclusion d'un accord de trêve russo-américain. Ils n'ont paru nullement avoir été contrariés par cet accord dont ils ont dû être probablement et préalablement avisés que la partie américaine n'en respecterait pas les clauses le concernant. Pourquoi alors se seraient-ils insurgés contre lui du moment qu'ils ont toujours les mains libres pour empêcher tout cessez-le-feu en Syrie et à œuvrer pour la seule option d'une défaite militaire du régime et à l'instauration en ces lieu et place d'un émirat wahhabo-terroriste ?