Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le message sanglant à Ankara

par Kharroubi Habib

L'ignoble attentat à la bombe qui a visé un mariage à Gaziantep dans le sud-est de la Turquie faisant une cinquantaine de morts et de nombreux blessés n'a pas été encore revendiqué. Le président turc Recep Tayipp Erdogan n'a pas attendu sa revendication pour déclarer que le groupe terroriste autoproclamé «l'Etat islamique» en est «probablement» l'auteur. Tout en effet crédibilise pour cet attentat cette piste plutôt que celle qui pointerait le PKK comme cela a été le cas pour les trois attentats ayant eu lieu la semaine dernière en d'autres régions du pays.

Le quartier de la ville de Gaziantep où a eu lieu l'attentat de samedi est à population en majorité kurde, l'on imagine mal pour cette raison que le PKK l'ai commandité sans tenir compte que nombreux en seraient des Kurdes militants ou sympathisants de la cause qu'il défend. L'autre raison qui plaide contre l'implication du PKK dans cet attentat en est le mode opératoire : celui de l'attentat kamikaze qui n'est pas habituel à ce parti séparatiste. Le sachant, le président Erdogan s'est gardé d'y voir la main du PKK mais celle de l'organisation terroriste «l'Etat islamique» qui elle est adepte d'opérations aveugles et du mode opératoire de l'attentat kamikaze.

La déduction du président et des autorités turcs apparaît fondée d'autant que l'attentat de Gaziantep est intervenu pratiquement juste après que le Premier ministre Binali Yildim ait fait savoir que son pays «va jouer un rôle actif dans la recherche d'une solution à la guerre civile en Syrie au cours des six prochaines mois». Ce rôle Ankara envisage de le jouer en concertation avec les pires adversaires que l'organisation terroriste a en Syrie et en Irak : la Russie et l'Iran, comme le fait présager le rapprochement qui se dessine entre les trois Etats et que va probablement accentuer la visite qu'effectuera cette semaine le président turc à Téhéran après avoir rencontré à Saint-Pétersbourg son homologue russe Vladimir Poutine.

Il ne fait aucun doute que l'organisation terroriste «l'Etat islamique» se sait menacée comme elle ne l'a jamais été si Moscou, Ankara et Téhéran s'entendent pour agir en Syrie de façon concertée et coordonnée. L'on peut dès lors supputer qu'elle a ordonné l'attentat de Gaziantep en tant qu'opération destinée à transmettre le message aux autorités turques que leur pays aurait gros à subir de sa part s'il se range d'une façon «active» aux côtés de ses pires adversaires. Erdogan ne se laissera probablement pas intimider par la menace et que l'attentat de Gaziantep renforcera sa détermination à engager la Turquie dans la guerre contre «l'Etat islamique». Dans cette guerre la contribution de la Turquie pourrait être décisive.

En bouclant uniquement sa frontière aux terroristes qui la traversent pour rejoindre en Syrie «l'Etat islamique» ou pour faire passer l'armement et les munitions dont elle a besoin, la Turquie contribuerait à porter à celle-ci le coup fatal. Ce bouclage enfermerait dans une nasse les djihado-terroristes qui espéreront leur salut dans la fuite hors de Syrie. En tout cas, pour la Turquie l'heure de se déterminer par rapport à l'organisation terroriste est arrivée. L'ambiguïté qu'Ankara a développée dans celui-ci lui a valu d'être considéré comme un acteur qui entretient le terrorisme qui a plongé la région dans le chaos pour faire prévaloir ses intérêts géopolitiques.