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Un axe Moscou-Ankara-Téhéran se dessine

par Kharroubi Habib

Leur réconciliation diplomatique actée lors de la rencontre Poutine-Erdogan à Saint-Pétersbourg, la Russie et la Turquie ont à l'évidence convenu de se concerter sur les moyens possibles pour résoudre la crise syrienne qui tiennent compte de leurs intérêts respectifs. Il semble que leur dialogue sur le sujet a permis de faire apparaître des points de convergence entre leurs positions jusqu'alors dites irréconciliables: Ankara suivant une ligne farouchement anti-Bachar El Assad et son régime et Moscou celle du soutien inconditionnel à ces derniers.

Cela ressort incontestablement de la déclaration faite hier à des journalistes par le Premier ministre turc Binali Yildim qui en annonçant que son pays «va jouer un rôle actif dans la recherche d'une solution à la guerre civile en Syrie au cours des six prochains mois» a clairement donné à comprendre que son pays ne fera plus un préalable non négociable du départ du président syrien dont il a dit qu'il «pouvait jouer un rôle dans le cadre d'un intérim». La déclaration du Premier ministre turc est venue après que pour la première fois depuis le début du conflit l'aviation de Damas a bombardé des positions kurdes près de la ville de Hasakah. L'on peut supposer que Damas qui est parfaitement renseigné sur le concertation russo-turque a rompu la «paix armée» avec la rébellion kurde qui est pour Ankara la cible à atteindre avant toute autre pour signifier que le régime est tout autant opposé au dessein de cette rébellion d'une entité kurde «autonome» en Syrie que l'est la Turquie.

Cette convergence d'intérêt entre le régime syrien et les autorités turques peut avec la médiation de la Russie et de l'Iran déboucher sur un «deal»: Ankara cessant d'apporter son aide aux groupes armés djihado-terroristes qui combattent les forces fidèles au régime de Damas et celui-ci s'engageant à empêcher la rébellion kurde de réaliser son objectif d'entité autonome kurde à la frontière syro-turque. Erdogan est d'autant enclin à engager la Turquie sur une position moins radicalement anti-régime syrien qu'il constate que les Etats-Unis, «l'allié» stratégique de son pays, apportent leur soutien à cette rébellion kurde qui a cause commune avec le PKK avec lequel il y a sanglant bras de fer en Turquie.

Tous les signaux indiquent ces derniers temps qu'il se dessine un renversement d'alliance qui va donner naissance sur le conflit syrien à un axe Moscou-Ankara-Téhéran en capacité de peser de façon déterminante sur sa résolution. L'on assiste en effet à une intense concertation entre ces trois capitales sur la nature de laquelle l'ONU ne se méprend pas en l'ayant estimée qu'elle peut aider à résoudre la crise syrienne. En tout cas du résultat de cette concertation tripartite incluant ses acteurs parmi les plus agissants dans le conflit syrien dépendra l'issue de la bataille la plus déterminante se déroulant présentement en Syrie, celle d'Alep qui oppose les forces du régime au conglomérant de groupes djihado-terroristes dont la résistance et la capacité à les tenir en échec sont tributaires du soutien multiforme qui leur parvient sinon des autorités turques du moins de la frontière de leur pays qu'elles gardent jusqu'alors ouverte pour eux.