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Pauvre tourisme algérien !

par Abdelkrim Zerzouri

Dans la tradition des conciliabules entourant le développement du secteur du tourisme, le ministre de l'Aménagement du territoire, du Tourisme et de l'Artisanat, Abdelouahab Nouri, vient de décider de l'envoi, prochainement, d'une commission qui se rendra dans les quatorze wilayas côtières du pays à l'effet d'examiner la situation des zones d'expansion touristiques (ZET), dont la plupart ont été détournées de leur vocation initiale. Tous les ministres qui se sont succédé à la tête de ce département avaient des idées plein la tête, promettaient de faire monts et merveilles pour rendre au tourisme ses lettres de noblesse, mais ils finissent toujours par abdiquer et partir bredouilles, laissant les choses en l'état. Comme quelqu'un qui vient de découvrir tout le mal qu'on fait subir au secteur du tourisme, M. Nouri a sonné le hallali lors d'une rencontre avec les opérateurs et des promoteurs du secteur touristique, en marge d'une visite de travail et d'inspection dans la wilaya de Jijel. Tirant la sonnette d'alarme, que d'autres avant lui ont vainement actionnée, le ministre du Tourisme a dressé un constat lamentable de la situation, dont les terrains détournés à d'autres fins que touristiques et qui ont causé un grand préjudice au secteur et aux investissements prévus dans le cadre de la relance du tourisme dans le pays. Tous les ministres du Tourisme ont fait ce constat, bien avant M. Nouri, mais rien n'a évolué sur le terrain. Tous sont partis en laissant le couvercle placé sur le puits. Ils ont, peut-être, tenté de le faire bouger ce couvercle, comme le laisse entendre présentement M. Nouri, mais ils ont fini par se rendre à l'évidence devant tant d'inertie qui frappe ce secteur, en particulier. Et puis, si enquête il y a, sur quoi déboucherait-elle ? Les grandes lignes des résultats sont connues d'avance. Primo, ce n'est pas le citoyen lambda qui peut détourner des terrains à vocation touristique. Secundo, on n'a pas vraiment besoin de monter des commissions pour connaître la vérité et les noms des propriétaires de ces terrains détournés de leur vocation principale. C'est l'erreur à ne pas faire devant la vox populi, dire qu'on installe une commission pour arriver à une quelconque vérité. C'est que les commissions ont toujours servi à cacher la vérité, à la diluer avec le temps qui passe. Si on veut faire quelque chose de bon, il faut le faire tout de suite car il y a réellement urgence à secouer ce secteur qui rapporte gros à des pays qui n'ont pas ce que nous, nous possédons comme immense potentiel touristique. C'est un secret de polichinelle de dire que certains investisseurs locaux préfèrent aller chez les voisins, et même dans la lointaine Europe, pour réaliser leurs projets touristiques, et casser en Algérie toute dynamique touristique, de sorte que rien de bon ne vienne les concurrencer. Tout est fait de façon à ce que le touriste algérien regarde ailleurs lorsqu'il se met à planifier ses vacances. Et l'exemple de la ruée vers la Tunisie est édifiant à ce sujet. Lorsque M. Nouri emprunte le même cheminement d'idées dont se sont glosé ses prédécesseurs, on peut craindre le pire pour l'avenir du tourisme en Algérie. Surtout quand il constate avec des airs d'ahurissement que nombres d'entre ces zones touristiques ont été squattées et érigées en zones d'habitation ou industrielles. Encore une fois, on doit relever que ce n'est pas n'importe lequel des badauds algériens qui peut avoir accès à ce foncier touristique, quant à le détourner de sa vocation, il faut vraiment avoir du tonus dans l'influence pour le faire. Le discours de M. Nouri qui évoque le développement du secteur touristique comme l'un des axes prioritaires des actions du gouvernement, saluant au passage les vrais promoteurs qui méritent le soutien et l'aide de l'Etat, ou encore la volonté de donner une nouvelle dimension et un souffle puissant au tourisme, tout en dénonçant toute activité de bricolage et de dilapidation du foncier, ce sont là, hélas, des mots dont la similitude est frappante avec les mêmes discours prononcés par ceux-là qui l'ont précédé au poste. C'est le même langage adopté par tous les ministres du Tourisme depuis l'indépendance. On promet, on promet et on promet, mais au bout du compte, on ne fait rien. On a comme l'impression que le ministre qui part laisse la même copie à celui qui le remplace au fauteuil. Cela peut aisément se vérifier. Pauvre tourisme algérien !