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L'axe Moscou-Ankara est plus qu'une improbable perspective

par Kharroubi Habib

A lire ou entendre les commentaires et analyses abondants consacrés par les médias et journaux français au réchauffement des relations russo-turques officialisé par la rencontre à Saint-Pétersbourg des présidents Poutine et Erdogan, il ressort que Moscou et Ankara n'auraient ébauché la normalisation de celles-ci que pour narguer les Américains et Européens développant contre leurs pays des politiques qui contrecarrent leurs ambitions géopolitiques.

Il est parmi les commettants de ces commentaires et analyses qui sont parvenus à la conclusion que le rapprochement russo-turc scellé à Saint-Pétersbourg ne serait en fait qu'un spectacle diplomatique auquel les présidents russe et turc ont convenu de s'y prêter pour « effrayer » Américains et Européens par la perspective de l'émergence d'un axe Moscou-Ankara susceptible de chambouler les règles du « grand jeu » auquel ils s'adonnent sur la scène internationale et dont ils veulent tenir à l'écart tant la Russie que la Turquie.

De la rencontre de Saint-Pétersbourg, ils en déduisent péremptoirement en conséquence qu'à part d'avoir servi à Poutine et à Erdogan d'exhaler conjointement leur rancœur d'être considérés par les Etats-Unis et l'Europe comme des acteurs secondaires dans la définition et la conduite des affaires internationales même celles ayant pour enjeux concernant directement les intérêts nationaux de leurs pays respectifs, elle n'a pas débouché sur l'instauration d'une alliance russo-turque dont la consistance et la solidité produiraient des effets en capacité de remettre en cause le rapport de force international en faveur de ces puissances instauré jusque-là en utilisant et attisant les différends et divergences qui ont empêché la Russie et la Turquie de coopérer solidairement.

Il leur apparaît que même la relance du partenariat économique russo-turc dont il a été question dans l'entretien qu'on eu Poutine et Erdogan ne serait qu' « effet » d'annonce appelé à se dissiper très vite tant la Russie et la Turquie seraient séparées et en rivalité pour des considérations qui priment sur l'intérêt réciproque qu'elles ont à coopérer économiquement.

Il est clair que pour ces commentateurs et analystes de l'hexagone les présidents russe et turc sont incapables de concevoir pour leurs pays des stratégies d'alliances susceptibles de leur permettre de collaborer ensemble malgré la persistance de divergences et différends qu'ils ont sur telle ou telle autre question de politique internationale ou régionale. Ce sur quoi ils tablent que le rapprochement entre Moscou et Ankara ne peut être que trompeur et éphémère, et ce pourquoi ils se trompent car refusant aux deux hommes d'être mus par l'ambition d'en finir avec la marginalisation dans laquelle Américains et Européens veulent maintenir leurs pays. Une ambition au service de laquelle ils déploient une tactique manœuvrière dont l'habileté et le pragmatisme qui en sont le moteur ont démontré l'efficacité.

L'axe Moscou-Ankara, considéré comme improbable par les devins mal inspirés qui offrent leur « expertise » aux médias et journaux français, étonnera et pas dans longtemps par ce qu'il imposera comme inéluctable révision dans leurs calculs et projets aux stratèges de la politique internationale des Etats-Unis et de l'Europe. Il renforcera indubitablement le camp de tous ceux qui ont été échafaudés pour remettre en cause l'unilatéralisme dans la décision imposé pour la conduite des affaires du monde.