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La rue comme expression

par Moncef Wafi

La rue est devenue le réceptacle de toutes les frustrations sociales vécues par les Algériens. Si la contestation sociale avait un visage dans les attroupements, elle a aujourd'hui un poids. Celui de cinq cas de trouble à l'ordre public par jour selon les chiffres de la Gendarmerie nationale concernant le deuxième trimestre de cette année. La rue est devenue par excellence le seul mode d'expression encore à la portée des Algériens qui n'hésitent plus à occuper les voies publiques pour revendiquer, dénoncer ou condamner l'action publique. En l'absence de véritables canaux de dialogue entre administrés et représentants du pouvoir central, battre le pavé est le moyen le plus rapide, le plus ostentatoire de faire délivrer un message aux autorités locales ou à Alger.

Si la Gendarmerie met en exergue la diminution de 14% d'attroupement par rapport à la même période de l'année dernière, l'augmentation de 78% de conflits sociaux donne à réfléchir. Et sérieusement. Si ce n'est pas vraiment une nouveauté, le fait de communiquer et surtout de commenter ces chiffres par un corps de sécurité placé sous l'autorité militaire renseigne sur l'inquiétude suscitée par ces mouvements de foule qui émaillent le quotidien des Algériens. Dans sa communication, la Gendarmerie estime que ces manifestations populaires doivent être considérées comme une «priorité» des pouvoirs publics même si la paix sociale tant prônée par le gouvernement s'est améliorée, précise l'institution de Nouba.

Les causes de ces débordements sur la route sont connues et s'inscrivent dans les nécessités basiques du citoyen. Manque d'eau potable, revêtement des routes, raccordement aux réseaux d'assainissement, à l'électricité et au gaz naturel, en résumé toutes les commodités qu'un Etat est censé offrir à son peuple. Les Algériens ne demandent pas l'exception ni l'impossible et les habitants des villages et douars de l'Algérie profonde aspirent à un meilleur mode de vie, 54 ans après l'indépendance. On avait déjà évoqué dans ces mêmes colonnes cette absence préjudiciable de communication entre le peuple et ses représentants.

En réponse à ces attroupements et marches de contestation, les conséquences sont toujours les mêmes. Les autorités répondent par la violence aux attentes des citoyens. Si en fin de compte on ne retient que les événements violents, le saccage de la propriété publique et privée et la riposte disproportionnée des services de sécurité, il serait plus judicieux d'analyser le processus de ces événements. Dans tous les cas de figure, la responsabilité des représentants du pouvoir civil est engagée. De cette omnipotence des walis et des chefs de daïra, décriée par les citoyens et qui souvent conduit à des voies sans issue. Il serait ainsi plus que salutaire de réactiver les canaux de dialogue entre administration et administrés concernant les sujets sensibles en invitant tous les acteurs de la société à se concerter autour des dossiers locaux. Comités de quartier, associations sportives, culturelles, religieuses ou caritatives, société civile, tous les moyens sont bons pour communiquer et échanger en vue d'éviter les conséquences désastreuses.