Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Changer pour changer ou pour travailler ?

par Mahdi Boukhalfa

Beaucoup s'interrogent encore sur les non-dits du dernier remaniement ministériel partiel, opéré à un moment inédit. Tant il prête le flanc à beaucoup de critiques autant sur le plan de la forme que de ce que pourront apporter de plus les nouveaux arrivants, dont une ministre chargée des Relations avec le Parlement inconnue dans le sérail, tout droit arrivée de la mouhafadha FLN de Blida. Et, surtout, des partants. La fin de mission signifiée à MM. Benkhalfa et Khebri, en charge respectivement des Finances et de l'Energie, deux secteurs sensibles, vitaux et stratégiques pour l'économie nationale, est patente des difficultés qu'éprouve le gouvernement à trouver des solutions à la crise financière née de la baisse des recettes pétrolières.

Les deux ministres ont fait chou blanc et ont adopté des solutions sans impacts sur l'économie nationale. Par contre, on s'interroge aujourd'hui sur l'efficience des secteurs également importants de l'économie nationale, comme l'Industrie et le Commerce, qui pèchent eux également par un immobilisme mortel à un moment où la crise économique devient de plus en plus évidente, de plus en plus insupportable pour les finances de l'Etat.

Car si des ministres ont sauté, il n'en demeure pas moins que le reste des départements ministériels continuent à ronronner, à faire du surplace, au lieu de trouver des issues de secours immédiates à la crise, à l'assèchement des recettes tirées des exportations et de la fiscalité interne, et du budget de l'Etat.

Le ministre de l'Industrie semble même faire machine arrière en proposant une nouvelle mouture du code des investissements pour redonner plus de visibilité aux investisseurs étrangers et, surtout, déminer le secteur des garde-fous restés ici et là aux vrais investisseurs. La règle des 49/51% serait ainsi sur la voie d'être supprimée, ainsi que le droit de préemption, deux obstacles à l'investissement étranger qui ont fait tellement de mal à l'économie algérienne. Il y a également ce verrou du foncier qui ne semble pas trouver de solution et qui, pourtant, conditionne les futurs investissements industriels, et l'émergence d'un secteur privé industriel qui serait une solution de sortie de crise avec la création de PME créatrices d'emplois et de richesses.

En optant pour des solutions de rechange à un problème réel, ce remaniement ministériel ne va produire le changement tant espéré, car au départ l'intention était de changer de titulaires de postes qui, pourtant, sont en amont de l'activité économique nationale. Car en opérant un toilettage de circonstance, c'est-à-dire en ciblant les départements les plus exposés à la crise économique, on a en même temps oublié d'autres secteurs qui également ont déçu. A commencer par le Commerce, un secteur régulateur et qui fait fonctionner les principaux rouages de l'économie nationale. Et, surtout, le poste qui coûte le plus au budget de l'Etat en termes d'importations de biens de production et de consommation.

Or, ce secteur, ainsi que celui de l'Industrie, est éclaboussé par le scandale de la fuite de capitaux à travers certains concessionnaires. Et c'est un rapport du ministère lui-même qui le souligne, mais il est trop tard pour corriger une erreur, des lobbies s'étant installés confortablement sur ce secteur, qui ne devrait pourtant pas contribuer à une quelconque solution de sortie de crise. Bien au contraire.

Tout comme l'éducation, embourbée dans un marasme latent, et que le scandale de la fuite massive au Bac 2016 ne semble pas avoir provoqué d'électrochoc là où il faut. Il y a des secteurs protégés, des territoires interdits, des positions intouchables, sinon il y aurait eu plus de partants. Bref, rien ne va changer vraiment dans la manière de gérer les affaires du pays, au plan social ou économique et financier. Car on voit mal un Hadj Baba Ammi intimer aux banques une manière plus orthodoxe de gérer les demandes d'investissements, ou un Chelgham révolutionner l'agriculture au point de faire la chasse aux spéculateurs et ouvrir de véritables filières à l'exportation. Encore moins une meilleure gestion des territoires et la fin de la disparition des terres agricoles les plus fertiles, comme celles de la Mitidja ou du Seybouse et de la Mekerra, au profit d'une boulimie de la ?'bétonite'' qui a fait éclore comme des champignons de hideuses cités d'habitation près de forêts, de terres maraîchères ou près de nulle part, rien que pour parer à une crise du logement dont les solutions sont autres, dont la lutte contre l'exode rural et la fixation de populations dans les zones agricoles et de montagnes. Non, ce dernier remaniement ministériel ne va rien changer dans la manière de gérer la crise économique et il aurait eu un sens si au moins on avait dit qu'il est un premier cheminement dans le nouveau modèle de croissance, dont on ne connaît que l'intitulé.