Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Une Constitution qui ne fait pas l'unanimité

par Mahdi Boukhalfa

Dernier virage pour l'avènement d'une nouvelle loi fondamentale algérienne. Expurgée de certaines scories, mais pas toutes, la nouvelle mouture, qui a fait quand même un parcours de quatre ans avant d'atterrir devant les deux chambres du Parlement, a fait jaser l'opposition, et creusé encore davantage le fossé entre celle-ci et le pouvoir. D'abord, le nouveau texte ne semble pas avoir satisfait à toutes les attentes de l'opposition, en particulier en matière de protection des droits de l'homme, l'ambiguïté de certains articles, dont le fameux 51 qui met hors jeu toute ambition politique des binationaux, et, surtout, le flou entourant la constitutionnalisation de la langue amazighe. En outre, les ?'anti'' crient également à qui veut les entendre que cette mouture a été taillée sur mesure pour les partis de l'alliance présidentielle, qui ont tous montré à la veille du vote leur entière satisfaction sur ce projet, et que de toute façon, ils vont voter pour son adoption. Du côté des associations et ONG, le ton est également au pessimisme, beaucoup au sein du mouvement associatif estiment qu'il y a certaines zones d'ombres, en particulier en matière de doits de l'homme, de la justice, et, surtout, le caractère non explicite de la lutte contre la torture. Bref, pour les opposants à ce projet de révision constitutionnelle, il est clair que le pouvoir s'est taillé sur mesure une constitution qui pérennise sa main mise sur les affaires de l'Etat, y compris en reprenant la main dans la gestion des affaires militaires. Par contre, beaucoup, et pas particulièrement les premiers cercles du pouvoir, estiment que la nouvelle Constitution a apporté des changements structurels dans la nature de la loi fondamentale. A commencer par la mise en place, du moins sur le plan théorique, de l'indépendance de la justice, des magistrats, plus de garanties pour la protection des droits de l'homme, l'officialisation de Tamazight comme langue officielle et nationale, une très vieille revendication politique, et, surtout, la liberté d'investir et de commercer. La liberté d'expression et une plus grande protection de la presse contre les dérives de la justice ou du pouvoir et les tentatives de la baillonner, sont également consacrées dans ce texte, même si, dans le fond, il reste encore des progrès à réaliser pour l'avènement d'une presse mûre et un pouvoir qui sait comment construire les passerelles du dialogue avec les médias.

Dans le fond, le grand reproche des analystes est celui qui a trait à la forme d'adoption de ce projet de loi de révision constitutionnelle. Et, en particulier, le recours à l'article 176, qui met sous le boisseau le recours à un référendum pour son adoption.  C'est le grand point noir de ce processus, car le peuple, la vox populi est superbement ignorée, et cela était d'ailleurs visible, perceptible, avec la manière dont ce projet a été mené, du début à la fin. Pas une fois, le peuple algérien n'a été consulté, ni invité à donner son avis sur une constitution qui, pourtant, va régler sa vie pour les prochaines années.

Le reproche que les observateurs, juristes et autres constitutionnalistes ont fait à ce projet de révision de la Constitution, qui renferme quand même un progrès énorme dans certains secteurs dont la justice et l'économie, s'est cristallisé sur deux ou trois articles, mais, globalement, l'avis du peuple algérien a été ignoré. Par toutes les parties, autant par la présidence qui a soumis directement le texte à un Parlement dominé par deux partis proches du pouvoir, que par l'opposition, qui a montré les limites de sa perception de l'évolution politique et des changements sociaux et économiques qui s'imposent en Algérie.