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LA PLACE DES FAIBLES

par M. Abdou BENABBOU

Curieuse mise à jour que cet étalage presque planétaire de la définition voulue restrictive de la nationalité. Le pendant de la binationalité, ici comme ailleurs, n'est qu'un petit tentacule d'une donnée profonde et sans doute que les avis pas toujours partagés jusqu'à secouer des gouvernements ne seraient que le produit d'un aléatoire survol sur une situation dont l'issue promet un gigantesque bouleversement.

Paradoxalement, c'est au moment où le monde voit les frontières se désagréger en perdant leurs sens avec les révolutions de la communication et des échanges commerciaux qu'un retour aux nationalismes souvent étroits et aux intégrismes multiformes anime de plus en plus la plupart des confins. On ne se rend pas compte que les points cardinaux s'inversent et que les empreintes des guerres et des conflits avec les drames et les misères qu'elles charrient déplacent le Sud au Nord et que le Nord devient Sud.

Alors qu'un gouvernement mondial s'installe presque dans la clandestinité, on a tort de croire que les dramatiques tribulations du Syrien en Allemagne et que la niche portugaise ou thaïlandaise du retraité français ne sont que des épiphénomènes imposés par la secousse d'une guerre civile passagère pour l'un et par la traversée d'une mauvaise saison pour l'autre.

Le monde du demain proche ne sera pas à bien des égards celui d'hier. Il ne gardera que le respect très discutable dû à l'Histoire imposant le retour cyclique des empires où les faibles n'auront jamais leurs places. On voit bien que le tracé des nouvelles frontières n'est plus terrestre et qu'il s'opère dans les cœurs et dans les esprits. Les gesticulations actuelles fondées ou tristement manœuvrières ne sont que les effets secondaires de la mue profonde de l'espèce humaine. Malheureusement, les batailles légitimes pour le droit ne sont que factuelles.

Pourtant, de cette mue qui se répète à travers les siècles le bonheur des peuples peut être gagné. Les forces sont trop inégales pour qu'il soit arraché. Tenant compte de l'infantilisme et de la vulnérabilité majoritaires de l'homme, le chemin vers la justice et la démocratie dans toutes les contrées risque d'être très long. Mais il reste à prier pour que l'effort d'intelligence et de prise de hauteur de la part de ceux qui gouvernent et président à la destinée des hommes soit à la juste mesure de la configuration mondiale nouvelle qui se dessine. Pour le bénéfice de tous. Parce que les nationalités perdent de plus en plus leurs sens.