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En hommage à Chettah et tous ceux qui ont défendu El Hadjar

par Kharroubi Habib

Quand en 2001, elles ont cédé le complexe sidérurgique d'El Hadjar à l'indien Ispat, ancêtre d'ArcelorMittal, les autorités de l'époque avaient présenté leur décision comme dictée par le souci du sauvetage d'une fermeture inéluctable de ce fleuron de l'industrie lourde algérienne. Elles ont fait miroiter que le repreneur allait tout à la fois rénover la machinerie du complexe, augmenter sa production et préserver les emplois voire même en créer.

Ce sont exactement les mêmes arguments qu'a développés le ministre de l'Industrie et des Mines pour justifier la reprise de commande du complexe sidérurgique par l'Etat dont il a fait l'annonce mercredi dernier. Les autorités ont donc a posteriori donné raison aux cadres et travailleurs du complexe ainsi qu'aux acteurs politiques et sociaux qui à l'époque où se précisait l'intention de le privatiser se sont positionnés contre cette perspective qu'ils voyaient comme un bradage qui allait se solder par une catastrophe économique et sociale pour le pays. Il faut peut-être rappeler que pour briser la résistance des cadres et travailleurs à la privatisation d'El Hadjar, il avait été lancé contre eux une opération d'intimidation qui au prétexte de lutte contre la mauvaise gestion et la corruption a tourné à la « chasse aux sorcières » avec pour solde l'incarcération ou le licenciement des principaux animateurs du mouvement de résistance à la privatisation du fleuron industriel algérien.

L'homme qui avait opéré cette sale besogne s'appelait Ahmed Ouyahia. Il n'en a jamais reconnu le caractère inique et la seule raison pour laquelle il l'a accompli, à savoir : faire taire la voix des contestataires qui soutenaient que la privatisation du complexe aura inéluctablement un coût dramatique. Il va être succulent, sauf pour les victimes de son opération «d'assainissement», d'entendre Ahmed Ouyahia défendre à coup sûr le revirement de l'Etat qui a fait retourner dans son giron le complexe sidérurgique qu'il n'aurait pas dû quitter comme le soutenaient ceux qu'il a fustigés ou fait incarcérer. Plus globalement et au constat de l'échec patent de la politique des privatisations qui a été menée dans le pays sous couvert de la libéralisation de l'économie nationale, l'on ne peut se satisfaire que l'Etat se contente de retour sur cette politique, sans que ceux qui l'ont préconisée, imposée et conduite ne rendent compte du désastre économique et social qu'ils ont infligé au pays. D'autant que certains d'entre eux sont toujours à des postes de commande. Les allers et retours dans la politique économique des autorités algériennes sont en tout cas la preuve que leurs décisions, même celles auxquelles l'ont trouverait un caractère pertinent et positif, sont la preuve qu'elles naviguent à vue et sont dans l'incapacité de produire une stratégie au plan économique aux objectifs à attendre clairement cernés. Alors que l'Algérie est dans une crise économique sans pareille, elles persistent dans l'improvisation et le bricolage et de ce fait ne parviennent pas à convaincre même quand elles prennent des décisions qui vont dans le bon sens.

En annonçant la reprise par l'Etat du complexe d'El Hadjar, Abdessalem Bouchouareb aurait dû avoir le courage politique de saluer la mémoire de ceux qui l'ont eu en se positionnant contre sa privatisation et mis en garde contre le désastre maintenant consommé qu'elle a occasionné.