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La leçon de calcul

par Yazid Alilat

L'économie nationale est entrée dans une zone de fort es turbulences dès le second semestre 2014, après une chute aussi rapide qu'inattendue des cours de pétrole. Jusqu'à ces derniers mois, alors que les agences spécialisées et experts algériens appelaient à une réaction urgente des pouvoirs publics, aucune réaction du gouvernement donnant la mesure de sa réactivité par rapport aux gros nuages qui s'amoncellent sur le marché pétrolier n'a été enregistrée. Même la loi de finances complémentaire 2015 n'a pas donné un quelconque signe que les pouvoirs publics ont (enfin!) compris que la tempête est là, bien présente.

Il aura donc fallu pratiquement 9 mois pour que le gouvernement prenne la mesure du danger qui guette l'économie algérienne, une situation qui serait matérialisée par des dépenses plus importantes que les recettes réelles. Une situation catastrophique déjà vécue en 1994 avec le passage par le FMI et ses mesures d'austérité imposées au pays en échange d'un plan d'ajustement structurel (PAS) doté de 1,9 milliard de dollars et une dette extérieure publique de 32 Mds de dollars rééchelonnée dans des conditions difficiles. Ces préalables sont en fait au cœur de la campagne médiatique lancée par le gouvernement, lorsqu'il tente de rassurer l'opinion publique que l'Algérie n'est pas, aujourd'hui, dans les mêmes dispositions financières, politiques et économiques que les années 1994.

C'est surtout le message que veut faire passer le gouvernement, par le truchement du ministre délégué chargé du Budget et à la prospective Hadji Baba Ammi, selon lequel les grands équilibres économiques du pays ne sont pas, pour le moment, compromis ou perturbés par la baisse des prix du brut. Il l'affirme d'abord en reprenant à son compte les déclarations du gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, qui parle de gestion prudentielle des réserves de change. Selon donc Baba Ammi, la confection de la loi de finances 2016 sur la base d'un baril de pétrole à 45 dollars, alors que le brut algérien se vend à 54 dollars/baril, permettra à l'Algérie de ne pas subir de choc externe qu'induirait une baisse plus importante des cours du brut. Et fatalement, les recettes pour 2016 seront en baisse au moins de moitié par rapport à celles de 2015, avec une loi de finances budgétisée à 60 dollars/baril.

Avec deux grandes soupapes de sécurité, le Fonds de régulation des recettes (FRR, 3.208,5 Mds, environ 37 Mds de dollars) et les réserves de change (159 Mds de dollars), l'économie algérienne a certes deux importants mécanismes de résistance face aux chocs externes. Mais, les deux outils macroéconomiques, sinon ces deux ?'bas de laine'', ne peuvent durer et ne peuvent créer l'illusion de la sécurité, comme un bateau qui prendrait un jour ou l'autre une voie d'eau. Tant est que l'économie algérienne n'a pas retenu la leçon des années 1994: au lieu d'accélérer une diversification de sa production pour améliorer les revenus de ses exportations par une priorité absolue aux investissements et à l'entreprise, elle a continué à privilégier les investissements publics dans les énergies fossiles, dont les prix, c'est archiconnu, s'apprécient en fonction des rythmes fluctuants de la croissance mondiale.