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Crise libyenne : qui fera entendre raison aux chefs de guerre ?

par Kharroubi Habib

Des deux rounds séparés du dialogue interlibyen qui se sont déroulés pour l'un à Alger et pour l'autre à Skhirat au Maroc, l'émissaire de l'ONU, Bernardino Leon, qui en est le facilitateur a déclaré qu'ils ont permis de grandes avancées qui autorisent à penser que sera réalisable la feuille de route onusienne disposant que les participants doivent s'entendre sur la formation d'un conseil présidentiel dirigé par des personnalités indépendantes, d'un gouvernement d'union nationale et d'un parlement représentant tous les Libyens.

La réalité sur le terrain alors même que l'émissaire onusien faisait entendre son propos mesurément optimiste démontrait elle que les camps rivaux qui se combattent sont sourds aux appels leur ayant demandé de conclure un cessez-le-feu et créer ainsi un climat plus favorable à la poursuite du dialogue interlibyen. Ce n'est certainement pas un accident que les plus violents affrontements entre les forces que dirige le général Khalifa Haftar et les combattants de la coalition Fadjr Libya se sont déroulés au moment où des parties libyennes se rencontraient à Alger et que d'autres s'apprêtaient à en faire de même à Skhirat.

L'on déduit de ce regain de la confrontation entre les deux factions armées que des deux côtés l'on est : soit dans la recherche de l'instauration d'un rapport de force favorable qui permettrait à leurs représentants aux négociations de paix sous égide onusienne de mieux faire entendre leurs exigences respectives, soit alors dans la logique que la seule option à la crise libyenne sera celle qu'imposera la force des armes.

C'est un secret de Polichinelle que les « militaristes » des deux camps bénéficient d'encouragements extérieurs et ne se plient pas à la règle de la primauté du politique sur le militaire. A Alger comme à Skhirat, les participants au dialogue interlibyen, tous des politiques ou des représentants de la société civile, doivent à leur corps défendant composer avec ceux qui dans leur camp respectif commandent aux combattants armés qui trouvent leur intérêt dans le chaos qu'ils ont participé à créer en Libye.

L'ONU n'a pas été dupe des raisons qui sont derrière les bombardements et affrontements ayant eu lieu alors que les parties libyennes reprenaient leur dialogue sous l'égide de son émissaire. Elle les a condamnés en termes forts. Pour se faire entendre, il lui faut néanmoins faire pression sur les soutiens étrangers des deux factions armées dont certaines, comble du cynisme et de l'hypocrisie, se prétendent acquises à l'option de la solution négociée entre Libyens mais qui souterrainement travaillent à saper la possibilité de sa concrétisation. Il n'y a qu'à voir comment sous prétexte du drame survenu en Méditerranée, elles ont aussitôt claironné l'urgence qu'il y aurait à envisager une intervention militaire en Libye d'où provient le gros du flux de migrants clandestins victimes de ce genre de drame.

Qu'il y ait urgence à aider les Libyens à sortir leur pays du chaos où il est plongé, c'est une certitude partagée par tout le monde, mais l'option militaire qui a la préférence des va-t-en-guerre qui sont derrière les factions armées et les chefs de guerre libyens serait une faute aux conséquences terribles et durables.