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Une offensive terrestre qui divise la coalition anti-EI

par Kharroubi Habib

L'armée irakienne que l'ont dit avoir été réorganisée et fortement équipée par les Etats membres de la coalition internationale anti-Etat islamique a lancé une offensive pour tenter de reprendre à l'organisation terroriste le contrôle de la ville de Tikrit et de sa région, prélude assure-t-on à sa marche sur Mossoul, seconde ville du pays, elle aussi occupée par les combattants du «khalifat islamique» qui en ont fait sa capitale. En apparence, le scénario de cette offensive semble avoir été mûrement réfléchi par les stratèges de la coalition internationale anti-Etat islamique qui n'y auront vu que nécessité dès lors qu'il leur apparaît que les frappes aériennes auxquelles procède la coalition contre l'Etat islamique ne parviendront pas à venir à bout de celui-ci.

En réalité, l'offensive menée par l'armée irakienne ne fait pas unanimité parmi les coalisés car certains d'entre eux ne voient pas dans cette armée l'instrument adéquat de la reconquête des régions tombées sous contrôle d'Aboubekr El Baghdadi et de son organisation terroriste. Et pour cause, estiment-ils, qu'étant composée d'officiers et soldats en majorité de confession chiite et de surcroît épaulée par des milices armées de la même obédience religieuse, son intervention au lieu d'affaiblir l'Etat islamique risque au contraire de le renforcer en lui ralliant les populations en majorité sunnites, elles, des régions que son offensive est censée devoir libérer. Cela est le point de vue de l'Arabie Saoudite notamment qui tout en ayant rallié la coalition anti-Etat islamique est aussi le chef de file des Etats sunnites de la région qui sont déterminés à faire barrage à l'extension du courant religieux chiite dans le monde arabe et musulman.

L'offensive de l'armée irakienne ne pâtirait pas de la crainte d'être au service de la cause chiite qu'elle inspire à ces Etats sunnites si le gouvernement qui a succédé à Baghdad à Nouri El Maliki avait réellement conduit une politique nationale basée sur le concept d'unité nationale ayant pris en compte les revendications de la forte minorité sunnite du pays et majoritaire dans les zones sous contrôle de l'Etat islamique. L'irakisation de la guerre contre l'Etat islamique à laquelle poussent les stratèges occidentaux pour ne pas avoir à la faire par des soldats de leurs pays respectifs serait apparue comme la solution pour briser cette organisation si la condition préalablement rappelée avait été observée par les autorités aux commandes à Baghdad.

L'offensive de l'armée irakienne divise d'autant au sein de la coalition internationale que l'Iran lui fournit un appui militaire et logistique qui peut s'avérer décisif. Sauf qu'il est clair que Téhéran ne poursuit pas les mêmes objectifs que l'Arabie Saoudite en fournissant son aide à l'armée irakienne dans sa guerre contre l'Etat islamique. Quand on sait que Riadh a comme priorité des priorités dans sa liste des menaces auxquelles le royaume est confronté celle que représenterait l'Iran, l'on ne peut que décerner l'inquiétude des Saoudiens devant une victoire sur l'organisation terroriste mais «sunnite» d'obédience par une armée et des milices qu'ils soupçonnent d'être acquises aux intérêts de leur ennemi «mortel». Obama, Kerry et le Pentagone qui sont les maîtres d'œuvre de l'irakisation de la guerre anti-Etat islamique ont fort à faire pour rassurer leurs alliés sunnites de la région et les dissuader de ne pas faire imploser la coalition au moment pensent-ils où leur stratégie serait en train de porter ses fruits.