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L'opposition syrienne au pied du mur

par Kharroubi Habib

L'initiative de Moscou de réunir aujourd'hui des émissaires du régime syrien et des représentants de l'opposition pour des pourparlers sera-t-elle plus fructueuse que celles qui avaient donné corps aux conférences de paix de Genève sur la Syrie en juin 2012 et février 2014 sous les auspices de l'ONU et des grandes puissances ? A priori l'optimisme n'est pas de rigueur au constat de l'absence à cette rencontre de représentants de la coalition nationale de l'opposition syrienne en exil qui bénéficie de la reconnaissance et du soutien des Etats occidentaux et régionaux hostiles au régime syrien. Les opposants ayant accepté d'y prendre part ne peuvent de ce fait parler au nom de toute l'opposition au régime d'El Assad, et ce à quoi ils pourront souscrire dans ces conditions n'engagera nullement l'ensemble de cette opposition.

Néanmoins, il y a comme une petite lueur d'espoir que la rencontre de Moscou pourrait relancer la recherche d'une solution politique négociée au sanglant conflit syrien. Ce qui autorise à le penser est que l'initiative russe ne s'est pas heurtée à une fin de non-recevoir catégorique de la part de l'opposition syrienne en exil dont cinq membres sont même présents à Moscou à titre «individuel». Elle n'est pas non plus décriée par les puissances occidentales et régionales soutenant cette opposition. En fait, l'opposition syrienne et ses sponsors internationaux ont sans le reconnaître franchement évolué dans leur appréciation de la situation qui prévaut dans le conflit syrien et font désormais de la lutte contre l'organisation «Etat islamique» la priorité de leurs préoccupations au point qu'ils n'excluent plus la possibilité d'un éventuel accord dans ce but avec le régime d'El Assad qu'ils ont tenté d'abattre.

L'opposition syrienne ne sera donc pas officiellement à Moscou aujourd'hui, mais n'a pas dit non à une relance d'un dialogue entre elle et le pouvoir de Damas. Cette relance semble bel et bien être inscrite dans l'agenda de cette opposition, au constat que la seule réserve émise par elle sur la rencontre de Moscou a consisté à estimer que les discussions syro-syriennes devraient avoir lieu en pays «neutre» et pas en Russie, allié indéfectible du régime syrien. Il y a aussi le fait qu'elle va tenter de refaire son unité, condition indispensable si elle veut être toujours considérée en tant qu'interlocuteur incontournable dans la recherche d'une solution politique au conflit, qui semble faire consensus internationalement sous la pression de la menace qu'est devenue pour tous l'organisation terroriste l'Etat islamique.

L'on peut avancer que la rencontre de Moscou ne se conclura pas par un accord aux incidences immédiates sur la situation en Syrie, mais qu'elle balisera loin de toute surenchère dans les exigences la voie à d'autres prochaines auxquelles participerait l'opposition syrienne en exil. Depuis l'émergence de l'Etat islamique et l'offensive foudroyante de ses combattants dans la région, l'Armée syrienne libre sur laquelle s'appuie l'opposition en exil a pratiquement été balayée sur le terrain. Raison supplémentaire qui contraint cette opposition à abandonner ses préalables inadmissibles pour le régime de Damas qui quoi qu'en pensent ses adversaires subsiste en tant que seul rempart face à l'Etat islamique devenu désormais la menace qu'ils craignent par-dessus tout. Les lignes ont bougé dans le conflit syrien, ce que Moscou a parfaitement saisi et dont elle a profité pour amorcer la relance d'un dialogue entre Syriens auquel les alliés de l'opposition au régime pragmatiques encourageront sans conteste en sous-main.