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Lamamra et les «autocrates» européens

par Kharroubi Habib

Les autorités de notre pays ont été irritées par les récentes décla rations de responsables de l'Union européennes à la presse algérienne très critiques et alarmistes quant à la conjoncture politique nationale. Il était par conséquent attendu qu'elles le fassent savoir. Cela a été chose faite jeudi par la voix de Ramtane Lamamra qui lors d'un point de presse à l'issue des travaux du deuxième séminaire de haut niveau sur la paix et la sécurité en Afrique en estimant que certains responsables de l'Union européenne se comportent en « autocrates ». En disant cela, Ramtane Lamamra a laissé entendre que les propos de ces « autocrates » ne seraient pas ceux de l'institution européenne et de ses Etats membres avec lesquels, a-t-il ajouté, l'Algérie a d'excellentes relations et des contacts de qualité.

De fait, l'Union européenne et ses Etats membres n'ont de cesse d'abonder dans le sens de cette vision de leurs relations avec l'Algérie que Lamamra a opposée à celle qui a été développée pour des journalistes algériens à Bruxelles et n'engageant apparemment que les responsables européens l'ayant exprimée. Il n'en demeure pas moins que malgré le distinguo fait par Lamamra entre « l'excellence » des relations officielles UE et Algérie et les allégations contraires formulées par des responsables européens au comportement « autocrate », il y a incontestablement de la tension dans les rapports entre les deux parties. C'est un secret de polichinelle que l'Union européenne ne souscrit pas à la présentation que le pouvoir algérien fait des réformes entreprises par lui pour censément encadrer l'ouverture démocratique en Algérie. Elle s'en est toutefois tenue à des appréciations toutes diplomatiques sur le sujet consistant à noter que si les autorités algériennes ont effectivement fait d'encourageants gestes d'ouverture politique, celle-ci reste en deçà de ce qu'en attendrait la société algérienne. Des appréciations qui ont commencé à se faire plus incisives au vu que la dernière élection présidentielle en Algérie a plutôt consacré le maintien du statu quo politique et le retour en force d'une gouvernance allergique à l'ouverture démocratique. Cette évolution dans la critique qui s'élève à l'égard des pratiques du pouvoir algérien ne peut qu'inquiéter ce dernier d'autant qu'il se sait en train de perdre les atouts qui lui ont permis d'en contrer jusque-là l'expression officielle. Ce n'est pas un secret là aussi que le pouvoir algérien est parvenu à ce résultat en endossant un contrat d'association avec l'Union européenne déséquilibré en terme d'avantages au profit des intérêts de cette zone et en accordant à ses Etats membres les plus puissants économiquement les possibilités de capter une grande partie du pactole financier que génèrent pour l'Algérie les ressources énergétiques.

L'on aura constaté que les critiques de l'Union européenne ont commencé à se faire plus tranchées concomitamment avec l'intention affichée par les autorités algériennes de « renégocier » dans une optique du « gagnant-gagnant » de l'accord d'association la liant à l'Algérie. Pour une part en conséquence l'Union européenne n'émet ses critiques sur le pouvoir algérien que comme pression anticipant ce qu'il va lui demander comme concessions pour arriver à cet équilibre entre leurs intérêts respectifs que Lamamra a estimé indispensable à concrétiser.