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Emeutes de Touggourt: un aveu officiel

par Kharroubi Habib

« Les évènements survenus récemment à Touggourt marqués par la mort de deux protestataires et des blessures à une trentaine d'autres sont dramatiques, on aurait pu les éviter». Ce propos que des citoyens ont pu entendre lundi sur les ondes de la radio Chaîne III n'a pas émané d'un représentant de l'opposition cherchant à enfoncer les autorités publiques, mais du directeur général des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'Intérieur.

C'est bien la première fois après une émeute populaire qu'un tel aveu est tombé de la bouche d'un responsable étatique. Suite à des situations identiques précédemment à celle que vient de connaître la ville de Touggourt, les autorités n'ont jamais admis de part de responsabilité dans l'enchaînement des évènements les ayant provoquées. Ce pourquoi les auditeurs ayant été à l'écoute de l'interview de ce représentant du ministère de l'Intérieur ont dû être étonnés de ne pas l'entendre, comme ils en ont l'habitude, réitérer en l'occurrence l'accusation officielle dont les autorités sont coutumières, celle de la manipulation tantôt par des milieux partisans, tantôt par la main étrangère.

Il y a donc de l'aveu du directeur général des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'Intérieur qu'il aurait été possible de les éviter. Ce qui sous-entend que bien que disposant de la latitude et des moyens d'éviter le drame, les autorités en charge de la situation à Touggourt n'ont pas fait ce qu'il fallait pour éviter ce qui s'est produit dans leur ville. En toute logique, l'aveu du responsable au ministère de l'Intérieur devrait s'accompagner de sanctions à l'encontre des autorités locales n'ayant pas anticipé le mécontentement populaire qui a tourné à l'émeute sanglante alors qu'elles étaient en mesure de le faire. Celles ayant été prononcées à l'encontre du chef de daïra de Touggourt en abandon de poste depuis plusieurs mois paraît-il et du chef de la sûreté urbaine de la localité ne devraient être que les premières d'une série sanctionnant les responsables locaux dont l'enquête diligentée par le ministre de l'Intérieur accouru à Touggourt en pompier devrait établir qu'ils ont fait preuve d'une gestion coupable du mécontentement populaire.

Les décisions prises sur place par Tayeb Belaïz établissent mieux que toute enquête à venir la défaillance des autorités locales. Le ministre de l'Intérieur a calmé les esprits à Touggourt en répondant positivement à certaines des revendications des manifestants, ce que les autorités locales auraient pu faire et éviter l'émeute et son tragique bilan. En se cantonnant à laisser la situation pourrir et s'envenimer, ces autorités locales ont fait la preuve du mépris qu'elles vouent à leurs administrés les plus défavorisés d'entre eux bien entendu et surtout de leur déni à reconnaître la véracité des accusations formulées à leur encontre par les manifestants.

Il faut reconnaître à Belaïz que depuis qu'il a pris le portefeuille de l'Intérieur et des Collectivités locales, il est en train de procéder à une réforme de l'appareil administratif dont les citoyens apprécient les changements positifs qu'elle apporte dans leur rapport avec cet appareil. Mais qui reste une goutte d'eau insuffisante à instaurer la confiance entre eux et cet appareil qui, pour l'essentiel qu'en attendent les administrés, en reste à entourer d'opacité ces actes et décisions et par là même alimente la défiance et les contestations qu'ils suscitent très souvent à bon droit.