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Le pétrole en tant qu'arme de guerre

par Kharroubi Habib

A quelques jours de la cruciale réunion de l'OPEP dans laquelle il sera question de l'adoption par l'organisation de mesures destinées à enrayer la dégringolade catastrophique que subissent les cours du pétrole, ces derniers qui étaient descendus il y a quinze jours sous la barre des quatre-vingts dollars pour remonter au-dessus il y a quelques jours ont vite replongé. Et le plus inquiétant, du moins pour les pays producteurs dont les économies et les finances nationales sont trop tributaires de la manne pétrolière, est que cette tendance est augurée par tous les experts comme allant s'accentuer et qu'ils n'ont aucunement l'espoir d'un accord au sein de l'OPEP en vue d'en arrêter la néfaste dynamique.

Tous savent pertinemment qu'il leur sera impossible de dégager un consensus dans ce sens au sein de leur organisation. Tout simplement parce que l'Arabie saoudite et ses satellites que sont les Emirats arabes et le Koweït s'y opposeront. Ce groupe de pays producteurs dispose en effet de la capacité d'entraver toute mesure que les autres voudront que l'OPEP adopte. Et cela parce qu'ils ont fait du pétrole une arme au service de leur agenda politique qui en l'occurrence est plus que jamais en adéquation avec celui des puissances occidentales.

La conjoncture économique internationale est responsable en partie des chutes du cours du pétrole. La récession dont pâtissent pratiquement toutes les économiques des grandes puissances fait que l'offre en pétrole est devenue pléthorique du fait d'une demande qui s'est contractée. Si ce n'était que cela qui serait derrière la spectaculaire dégringolade qu'enregistrent les cours du pétrole, l'OPEP serait indubitablement capable de l'enrayer en revoyant à la baisse les quotas de production de ses Etats membres. Cette mesure logique ne sera pas entérinée par la prochaine réunion de l'OPEP car les Etats-Unis et l'Arabie saoudite n'en veulent pas.

Cette chute des cours de laquelle ils ne sont pas innocents fait partie de la panoplie des armes de guerre qu'ils ont dégainées contre des Etats qu'ils considèrent représenter un danger pour leurs intérêts nationaux. Au premier rang desquels la Russie et l'Iran dont l'affaiblissement que peut leur occasionner une perte drastique de leurs rentrées financières conséquence de l'effondrement des cours a été cyniquement convenu entre Washington et Ryadh. C'est en fait cet objectif qui est à la base de la chute des prix du pétrole. Moscou n'est pas dupe des raisons de cette «crise pétrolière» et le Kremlin sait parfaitement que c'est la Russie qui est visée. Ce qui n'est pas pour calmer la tension qui prévaut dans les relations russo-occidentales.

Moscou n'est pas aussi désarmé qu'on le penserait face à l'offensive dont la Russie est la cible à travers l'instrumentalisation par ses adversaires du marché pétrolier. Elle est en position de les mettre en difficulté sur d'autres terrains et dossiers pour les contraindre à cesser d'aggraver artificiellement la crise pétrolière entraînée par la distorsion entre l'offre et la demande. Les Etats producteurs victimes collatérales du bras de fer entre la Russie et l'Iran d'une part et les Etats-Unis et les monarchies pétrolières arabes de l'autre seraient bien inspirés de faire front commun avec les premiers en soutenant leurs positions sur les dossiers contentieux de leurs conflits.

Encore une fois de plus, l'Arabie saoudite se révèle être ce qu'elle est : l'exécutant docile des stratégies visant à maintenir l'hégémonie américaine à travers le monde. Ce qu'elle ne manquera pas de confirmer lors de la toute prochaine réunion de l'OPEP.