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Qui est le plus hypocrite et cynique de Washington et Moscou ?

par Kharroubi Habib

John Kerry qui s'active à bâtir une coalition militaire internationale contre l'organisation terroriste l'Etat islamique est parvenu à obtenir de dix Etats arabes leur consentement à y participer. Ces Etats sont l'Arabie Saoudite, les Emirats du Golfe, la Jordanie et le Liban. Les ministres des Affaires étrangères de la Turquie et de l'Egypte qui ont pourtant participé jeudi à la réunion de Djeddah autour de John Kerry, consacrée à la construction de cette coalition, ont par contre fait savoir que leurs pays ne s'associeront pas à l'alliance voulue par Washington.

Fort des participations des Etats arabes cités à sa coalition, le président américain s'est déclaré déterminé à engager la lutte contre l'Etat islamique en Irak et y compris en Syrie. Comme si le fait que la participation de ces pays arabes et musulmans contre la Syrie dispense sa coalition d'obtenir des Nations Unies le feu vert à ses opérations militaires dans ce dernier pays qui en dépit du contexte de guerre qu'il vit est tout de même un Etat souverain. Barack Obama et son secrétaire d'Etat John Kerry constatent pourtant que leur intention de passer outre ce feu vert réduit la composante de leur coalition aux seuls dix Etats arabes dont le point commun est qu'il s'y sont enrôlés contre la promesse que tout en s'attaquant à l'Etat islamique elle se fixe en même temps l'objectif de s'en prendre aux forces du régime de Damas.

Même les Etats européens alliés de Washington et anti-régime syrien se sont abstenus d'entrer dans cette coalition qu'Obama veut affranchie de l'obligation d'en référer aux Nations Unies et donc allant piétiner le droit international. En effet, Londres et Berlin ont officiellement fait connaître leur refus formel de participer à cette coalition, tandis que Paris tout en étant d'accord pour en être s'agissant de frappes aériennes en Irak se montre réticente sur leur volet syrien et a fait savoir qu'elle n'y prendra part que sous condition justement d'un feu vert des Nations Unies.

Comme il fallait s'y attendre, la Russie a pour sa part clairement mis en garde qu'une intervention militaire de cette coalition en Syrie telle qu'envisagée par la Maison Blanche constituerait une atteinte irrécusable au droit international. Ce qui serait effectivement le cas même si John Kerry a ironisé sur « l'hypocrisie » du Kremlin à invoquer le droit international que la Russie piétinerait allègrement dans la crise ukrainienne. Que l'Amérique estime la Russie mal venue d'évoquer le droit international, ne l'autorise pas pour autant à décider unilatéralement d'étendre à la Syrie souveraine l'action de la coalition sans l'accord préalable de Damas ou le OK des Nations Unies.

La caution que Kerry a obtenue dans ce but des dix Etats arabes ne vaut en aucun cas raison pour l'intention américaine en Syrie. Barack Obama est, quoi qu'il en dise, dans la continuité de la politique étrangère américaine élaborée et conduite par son prédécesseur à savoir que les Etats-Unis n'ont pas à passer par les Nations Unies quand ils décident d'intervenir à travers le monde. C'est eux qui sont dans l'hypocrisie et le cynisme les plus absolus quand ils dénient à la Russie d'invoquer le droit international. La Russie a peut-être transgressé ce droit en Ukraine, l'Amérique est elle dans sa transgression systématique partout dans le monde où des crises et conflits ont lieu.