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Une capitale en soins intensifs

par Yazid Alilat

Alger, la capitale, vit une grave crise urbaine. D'abord une crise du logement qui lézarde chaque heure un peu plus son fragile équilibre social, avec une demande pratiquement impossible à satisfaire dans les dix à quinze prochaines années à venir, en dépit des déclarations officielles. Comment résorber la crise du logement, structurelle dès les premières années de l'indépendance, à Alger quand le rythme des livraisons de logements est de moins de 80.000 unités/an, avec une capacité de réalisation encore moindre, alors que la demande est en hausse moyenne de 2,5% chaque année ? Une dynamique démentielle qui ne peut pour le moment être rattrapée, même avec une livraison annuelle de 200.000 logements.

Par les chiffres encore, la capitale algérienne avec ses plus de 4 millions de résidents permanents n'est plus en mesure de répondre avec les moyens et la gestion actuelle aux besoins sans cesse en hausse en eau, transports, service public, énergie et entretien des voiries et enlèvement des déchets ménagers. A vrai dire, la capitale algérienne vit une double crise urbaine et sociétale. Le service public dans les administrations est à l'image des prestations des différentes entreprises locales chargées de la collecte des ordures, du nettoiement de la voirie, de l'entretien des réseaux routiers, des télécoms, du réseau énergétique et de l'AEP. C'est-à-dire des prestations qui laissent beaucoup à désirer et qui font qu'Alger, la capitale algérienne, croule sous les ordures, le mal-vivre et le laisser-aller érigé en principe par certaines collectivités locales.

En fait, la capitale algérienne est une image grandeur nature de ce qui se passe dans le reste du pays en matière de gestion urbaine par des édiles souvent incapables de gérer leurs communes, de mener à bien des projets de développement urbain, de donner un sens social à l'urbanité, à rassurer la demande sociale en matière d'amélioration des conditions de vie. C'est en quelque sorte en pompier que le gouvernement a donc programmé jeudi une réunion spéciale sur les grands problèmes qui minent la capitale et qui font qu'Alger n'est plus cette ville agréable à vivre, cette blanche cité qui faisait rêver jusqu'à il n'y a pas longtemps.

Après une demi-journée passée à examiner les principales tares qui ont fait qu'Alger soit classée parmi les cinq dernières villes du monde où il ne fait pas bon vivre, le gouvernement a pris des mesures urgentes pour redonner à la capitale un meilleur visage. A commencer par l'allègement du poids des cités qui suffoquent par un taux d'occupation des plus élevés dans le monde, à remettre sur rails certains services publics jusque-là absents et qui ont fait que les rues de la capitale sont sales, avec des quartiers parfois infréquentables. Bref, c'est la première fois dans l'histoire de l'Algérie indépendante qu'un Conseil de gouvernement soit consacré à la situation d'extrême déliquescence dans laquelle vit la capitale algérienne.

Mauvaise gestion des édiles, des walis parfois incompétents et dépassés, décadence urbaine et manque de vision et de prospective ont fait qu'Alger soit devenue un gros bourg avec un tas de problèmes et une absence criarde de l'Etat. Le gouvernement Sellal veut donc secouer le cocotier et redonner à la capitale son lustre passé, son standing de ville-capitale. C'est bien. Mais à ce stade-là, il faut dès lors penser à organiser chaque mois un Conseil ministériel pour réhabiliter les grandes villes du pays, Oran, Annaba, Constantine, Sétif, Béjaïa, qui toutes connaissent les mêmes problèmes sociaux et de développement que la capitale.